Par Virginie Jaquet, rédactrice à l’OSAR
« Au début, je pleurais tout le temps, c’était très difficile, terrifiant », déclare Nakfa, lorsqu’elle parle de ces premiers moments en Suisse et surtout de son arrivée à Yverdon. « Je voulais aller au centre fédéral d’asile de Vallorbe, mais je n’avais que quelques notions d’anglais, pas d’argent, le chauffeur de bus ne me comprenait pas et je ne le comprenais pas. », complète-t-elle.
Bien entourée pour grandir en toute insouciance
Lorsqu’elle arrive au centre fédéral pour requérants d’asile de Vallorbe, sa première impression est de se retrouver dans une prison. Par chance, Nakfa trouve ses marques rapidement, entre autres grâce aux éducateurs et éducatrices qu’elle côtoie. Elle participe aussi à des projets de parrainage. Même si elle a mis du temps à se sentir en sécurité en Suisse et qu’il n’a pas toujours été facile pour elle de demander de l’aide, elle souligne avoir eu de la chance et avoir rencontré de bonnes personnes. « J’ai le souvenir d’avoir été bien entourée en tant que personne requérante d’asile mineure non accompagnée » ajoute-t-elle. D’un tel accompagnement, toutes les personnes requérantes d’asile mineures doivent en bénéficier, c’est un droit et non une chance pour l’OSAR.
Nafka critique toutefois le changement d’accompagnement, une fois l’âge de 18 ans atteint. En effet, le système d’asile suisse prévoit un encadrement spécifique pour les enfants de moins de 18 ans, une fois la majorité atteint, ils et elles sont considéré·e·s comme adulte et n’en bénéficie plus, pourtant les besoins des personnes concernées ne changent pas du jour au lendemain entre l’âge de 17 ans et 364 jours et de 18 ans.
Avancer pas à pas vers la vie d’adulte et l’autonomie
En plus d’être bien entourée en Suisse, Nakfa a de la volonté et surtout un souhait qui l’aide à avancer vers la vie d’adulte. Elle a le souhait de revoir sa famille. Elle a quitté l’Érythrée à quatorze ans et ne l’a pas revue depuis. « Je savais que je ne reverrais pas ma famille tant que je n’obtenais pas un permis B ». Elle aime étudier et le fait de vouloir obtenir un permis B la motive à apprendre le français et à se former. En une année à peine, elle maitrise la langue de Molière.
Pour d’autres enfants réfugié·e·s, la situation est plus difficile, apprendre une nouvelle langue ou suivre une formation est un défi supplémentaire dans leur parcours d’exil, ils et elles ne doivent pas être oublié·e·s et le système d’asile doit garantir une égalité des chances à toutes et tous, peu importe leur parcours. Pour l'OSAR, il est clair qu'ils et elles ne doivent pas être oubliés et que le système d'asile doit garantir l'égalité des chances pour toutes les personnes en quête de protection, quelles que soient leur histoire et leur âge.
Revoir sa famille n’est toutefois pas son seul souhait : Nakfa voulait devenir autonome. Le jour où elle est devenue autonome financièrement, mais aussi le jour où elle n’a plus eu besoin de traduction pour comprendre le français ont été des moments marquants de son parcours d’intégration en Suisse. Sa formation d’assistante en soins et santé communautaire était justement une étape importante de son parcours. Elle obtient son attestation fédérale de formation professionnelle (AFP) avec brio et reçoit le prix du mérite du Centre patronale en 2020. Elle obtient par la suite son certificat de capacité fédérale (CFC) en 2022. Aujourd’hui, elle travaille toujours dans l’établissement pour personnes âgées où elle a suivi son apprentissage et pourra même bientôt elle-même y former des apprenti·e·s.
Continuer Ă grandir
Nakfa a aujourd’hui 23 ans et veut continuer d’évoluer, pousser comme les plantes du jardin qu’elle entretient. Elle veut notamment aller plus loin dans les études. « J’aimerais devenir infirmière ou technicienne en radiologie, mais pour l’instant, je dois travailler ». Elle souligne que les études lui ont toujours permis d’aller de l’avant de voir plus loin que sa situation.
Pouvoir suivre une formation ou un apprentissage est pour les personnes requérantes d’asile mineures non accompagnées, une étape cruciale de leur intégration. C’est pourquoi l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés, dans le cadre de la campagne pour la journée du réfugié 2024, met en avant l’importance d’une participation sociale rapide des enfants en quête de protection. Cette participation présente de nombreux avantages, tant pour les enfants réfugié·e·s que pour la société. Leur donner la possibilité de suivre des formations y contribue.
« Je me sens chez moi, aujourd’hui », conclut Nakfa en finissant sa tasse de café à la table de la cuisine. Elle a réussi à franchir tous les obstacles de son parcours de personnes requérantes d’asile mineures et s’affranchir des peurs auxquelles elles étaient confrontées. Toutes et tous les enfants en quête de protection en Suisse doivent pouvoir le faire.