Dans un arrêt de référence publié aujourd’hui, le TAF conclut à l’absence de manquement dans les analyses LINGUA menées par la personne spécialiste mandatée par le SEM, connue sous le pseudonyme AS19, et rejette à ce titre le recours d’un requérant d’asile tibétain. Ce dernier avait demandé à un groupe d’expert-e-s indépendant-e-s de mener une contre-analyse, qui avait soulevé de graves objections à l’encontre de l’analyse LINGUA et établi la très haute probabilité que l’homme concerné venait du Tibet.
L’OSAR reproche au TAF d’accorder une plus grande importance, dans son examen, à l’analyse LINGUA dans le contexte des analyses de provenance qu’à la contre-analyse de quatre spécialistes indépendant-e-s considéré-e-s comme d’éminent-e-s tibétologues ayant une vaste expertise dans le domaine. Pour l’OSAR, il est inconcevable que le Tribunal qualifie les conclusions différentes des deux analyses de simples divergences d’opinions de spécialistes et non de vices de procédure.
Une pratique controversée
Les analyses LINGUA sont particulièrement controversées lorsqu’elles portent sur des personnes requérantes d’asile d’origine tibétaine. L’OSAR s’attend à ce que cet arrêt de référence ait des répercussions négatives sur les futurs recours. Environ 120 personnes tibétaines vivent actuellement comme sans-papiers en Suisse parce que leur demande d’asile a été rejetée. De multiples recours contre les décisions d’asile sont pendants devant le TAF. À la suite de l’arrêt de référence, ceux d’entre eux qui remettent en cause une analyse LINGUA risquent d’être rejetés. Pourtant, selon le TAF, il convient de continuer de vérifier la pertinence des analyses LINGUA au cas par cas.
Un manque de transparence
Du point de vue de l’OSAR, l’accès limité aux analyses LINGUA fait obstacle à une procédure d’asile équitable. En effet, après la décision de l’analyse LINGUA, les personnes requérantes d’asile se voient uniquement remettre un résumé de l’évaluation. Ce n’est que parce que, dans l’affaire ayant abouti à l’arrêt en cause, la personne recourante avait eu connaissance par erreur de l’intégralité de l’analyse que de graves manquements ont pu être établis dans le cadre de la contre-analyse. L’OSAR estime que les analyses LINGUA devraient être rendues publiques, en caviardant les informations confidentielles.
Un rôle décisif dans la procédure d’asile
Les analyses LINGUA ont une importance parce que, dans le cas des Tibétaines et des Tibétains, c’est de facto lors de ces analyses linguistiques que la décision relative à la demande d’asile est prise. Lorsqu’une personne concernée ne peut prouver de manière vraisemblable qu’elle a été socialisée au Tibet / en Chine, sa demande d’asile est rejetée au motif qu’elle a « dissimulé son origine ». Elle reste alors en Suisse en tant que personne sans-papiers. Dans la pratique, presque chaque personne tibétaine qui ne peut présenter de carte d’identité fait l’objet d’une analyse LINGUA. Celle-ci établit souvent que la personne n’a certainement pas été socialisée au Tibet, mais dans une communauté d’exilé-e-s. Le SEM conclut alors que la personne ne doit pas être renvoyée vers la Chine en raison des menaces de persécution qui pèseraient sur elle, mais n’exclut pas un renvoi vers l’Inde ou le Népal. Les personnes concernées vivent alors des années durant sans papiers en Suisse, car elles ne peuvent être renvoyées et les autorités n’acceptent pas leurs demandes de cas de rigueur au motif qu’elles auraient dissimulé leur identité. Pour l’OSAR, il convient de reconnaître la qualité de personne réfugiée aux Tibétaines et aux Tibétains même lorsque le lieu de socialisation est controversé.
Eliane Engeler
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