Motifs d'exil
Les talibans contrôlent le territoire afghan depuis le mois d’août 2021. Après s’être emparés du pouvoir, ils ont mis en place un gouvernement de transition : l’Émirat islamique d’Afghanistan. Malgré la promesse d’un gouvernement de transition inclusif, celui-ci est principalement composé d’hommes pachtounes, tous membres haut placés des talibans. Les talibans ont effacé toute trace de démocratie et recourent à la charia comme base légale. Les châtiments corporels, sous forme de coups de fouet, d’amputations et d’exécutions, sont à nouveau monnaie courante et même les personnes ayant commis des infractions dites morales peuvent être condamnées à de telles peines. Les anciens membres des forces de sécurité, les journalistes et les personnes critiques à l’égard du gouvernement font partie des groupes cibles des talibans. Les femmes afghanes, quant à elles, sont privées de leurs droits fondamentaux et sont discriminées dans tous les domaines de la vie.
La prise de pouvoir rapide et inattendue par les talibans, l’absence de dispositions transitoires ainsi que l’arrêt brutal de l’aide financière internationale ont plongé l’Afghanistan dans une crise économique, financière et humanitaire sans précédent. Aujourd’hui, 97 % des Afghan·e·s vivent dans la pauvreté, 28 millions de personnes dépendent de l’aide humanitaire et 17 millions personnes souffrent de la faim aiguë. L'agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) estime que plus de 1,6 million de personnes ont fui le pays depuis la prise de pouvoir des Talibans.
Plusieurs millions de personnes afghanes en quête de protection vivent au Pakistan, pays voisin. En octobre 2023, le ministère de l'Intérieur pakistanais a décrété que les Afghan·e·s sans statut de séjour régulier devaient quitter le Pakistan au 1er novembre 2023. Sur les quatre millions d'Afghan·e·s, 1,7 million se trouvent « illégalement » au Pakistan parce que leurs demandes n'ont pas été traitées par les autorités ou parce que leurs permis de séjour arrivés à échéance n'ont pas été renouvelés. Selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), depuis l'expiration du délai, le gouvernement pakistanais détruit les maisons et confisque les biens des Afghan·e·s, les emprisonne ou les déporte en Afghanistan. Là -bas, ils sont hébergés dans des camps de réfugiés improvisés et se retrouvent confrontés à une grave crise humanitaire. Les membres des groupes à risque - en particulier les femmes et les filles, les employé·e·s de l'ancien gouvernement, les journalistes et les militant·e·s des droits humains ainsi que les membres des minorités ethniques et religieuses - sont à nouveau exposés à la persécution du régime taliban.
Demandes d'asile en Suisse
Depuis plusieurs années, l’Afghanistan compte parmi les principaux pays d’origine des personnes qui déposent des demandes d’asile en Suisse. Ainsi en 2024 (état fin octobre), 7515 demandes d’asile ont été déposées par des Afghan·e·s, dont 4923 sont des demandes primaires, cela signifie des demandes déposées de manière indépendante, et 2592 demandes secondaires.
Pratique des autorités suisses
À la mi-août 2021, le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) a annoncé qu’il suspendait provisoirement les renvois vers l’Afghanistan et qu’il renonçait aux rapatriements compte tenu de l’aggravation dramatique de la situation dans le pays. Selon une communication de juillet 2023, le SEM considère que la situation des femmes et des filles en Afghanistan s'est continuellement détériorée dans de nombreux domaines de la vie. Les demandes d'asile des requérantes d'asile afghanes sont donc évaluées dans le contexte de ces développements. Chaque demande continue toutefois d'être traitée individuellement, en fonction des particularités de chaque cas concret.
Taux de protection
Selon les données du SEM, 9918 décisions relatives à des demandes déposées par des Afghan·e·s ont été rendues (état fin octobre 2024). Au total, 4999 personnes ont obtenu l’asile et 3603 ont été admises à titre provisoire. Si l'on exclut les décisions de non-entrée en matière, les admissions provisoires et les radiations, le nombre de décisions rendues s'élève à 8119 (état fin octobre 2024).
Le taux de protection, c’est-à -dire le nombre d’octrois d’asile plus les admissions provisoires par rapport au total de toutes les décisions, s’élevait à 83,6 %. Le taux d’octroi d’asile n’est que de 51,9 %. Les demandes d’asile restantes ont pour la plupart fait l’objet d’une décision de non-entrée en matière Dublin, ce qui signifie qu’il incombe à un autre État de l’espace Schengen de les traiter.
Notre engagement
- Aide humanitaire : la situation humanitaire en Afghanistan est extrêmement précaire. La Suisse doit participer à l’aide humanitaire, notamment en soutenant financièrement les organisations internationales actives sur place et en leur fournissant du matériel. Le soutien des pays voisins, l'Iran et le Pakistan, qui accueillent un grand nombre de personnes afghanes en quête de protection, doit être renforcé. L'OIM et le HCR appellent le Pakistan à continuer de protéger tou·te·s les Afghan·e·s vulnérables qui ont cherché la sécurité dans le pays et qui pourraient être directement menacés en cas de retour forcé.
- Assouplissement des conditions d’octroi de visas et accélération des procédures de regroupement familial : avec l’octroi de visas humanitaires et les procédures de regroupement familial, le droit d’asile suisse offre déjà des solutions concrètes qui permettent aux personnes en quête de protection de se rendre en Suisse en toute sécurité. La pratique actuelle est toutefois extrêmement restrictive. La Suisse doit faciliter et accélérer l’octroi de visas humanitaires pour toutes les personnes afghanes menacées, en particulier pour les femmes et les filles. Les visas de visite comme mesure immédiate doivent être délivrés aux personnes ayant fui l’Afghanistan et dont des membres de leur famille ont obtenu un permis de séjour ou une admission provisoire en Suisse.
- Réinstallation : dès que la Suisse reprendra le programme de réinstallation actuellement suspendu, après consultation des cantons, des communes et des villes, cet instrument devrait également être utilisé de manière accrue pour l'accueil humanitaire des personnes réfugiées d'Afghanistan, notamment celles particulièrement vulnérables comme les femmes, les enfants et les familles. Au vu de la situation catastrophique qui perdure en Afghanistan, il convient d'examiner l'option de places de contingent supplémentaires, comme le prévoit explicitement le concept de mise en œuvre du Conseil fédéral pour les situations d'urgence humanitaire.
- Protection et statut de séjour ordinaire : Une amélioration de la situation en Afghanistan n’est pas en vue. L'OSAR approuve le fait que le SEM accorde en principe l'asile aux femmes et aux filles afghanes, comme d'autres pays européens. Ce changement de pratique doit absolument être maintenu. D'autres personnes afghanes en quête de protection sont également menacées de persécution personnelle de la part des talibans, par exemple en raison des activités de membres de leur famille. L'asile doit également être accordé à ces personnes après un examen individuel. Celles qui ont été déboutées et qui se trouvent encore en Suisse doivent pouvoir déposer une demande de réexamen ou une seconde demande afin d’obtenir un statut de séjour ordinaire.