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Un droit de séjour garanti ouvre des perspectives

11 mars 2025

Si aujourd’hui de nombreuses voies s’offrent en Suisse pour Maryam Sediqi, cette économiste d’entreprise d’origine afghane a dû se battre pour obtenir son diplôme et son indépendance. Que signifie être en sécurité en Suisse pour elle et ses consœurs afghanes ?

Interview : Barbara Graf Mousa, rĂ©dactrice Ă  l’OSAR / Photos : Djamila Grossman, www.djamilagrossman.com 

Vous ĂŞtes arrivĂ©e en Suisse avec votre famille en 2005 après un long exil. La Suisse Ă©tait-elle alors un lieu sĂ»r pour vous ?  

Maryam Sediqi : Mes parents nous avaient promis que le voyage s’arrĂŞterait en Suisse et que nous resterions ici. C’était un grand bonheur pour nous. Ils voulaient offrir un avenir meilleur Ă  leurs enfants. La Suisse a tout de suite Ă©tĂ© notre lieu sĂ»r. Nous ne pouvions pas prĂ©voir ce qui allait advenir. Ă€ l’époque, nous nous sentions en sĂ©curitĂ©, plein·e·s d’espoir, prĂŞt·e·s pour un avenir meilleur. 

Que s’est-il passé ? 

La demande d’asile de mon père a Ă©tĂ© illĂ©gitimement rejetĂ©e en 2006. Je l’ai aidĂ© pendant la procĂ©dure, c’est lĂ  qu’a dĂ©butĂ© mon engagement pour les personnes rĂ©fugiĂ©es en Suisse. 

Avec une issue souvent positive… 

Oui, j’ai aidĂ© beaucoup de femmes, Ă©crit des lettres et accompagnĂ© des procĂ©dures pour qu’elles soient rĂ©fugiĂ©es reconnues en Suisse. RĂ©cemment, je me suis engagĂ©e pour ma tante. Après deux ans de mobilisation intense, j’ai pu convaincre le Tribunal administratif fĂ©dĂ©ral de faire rĂ©examiner son dossier par le SecrĂ©tariat d’État aux migrations (SEM) et le permis B lui a Ă©tĂ© octroyĂ©. 

En quoi le besoin de protection des personnes rĂ©fugiĂ©es diffère-t-il ? 

L’expĂ©rience de l’exil varie souvent beaucoup d’une personne Ă  l’autre. Certaines ont Ă©normĂ©ment souffert sur la route et sont simplement soulagĂ©e d’arriver dans un pays sĂ»r. D’autres, qui ont vĂ©cu des choses moins traumatisantes, peuvent avoir des attentes plus Ă©levĂ©es vis-Ă -vis du pays d’accueil, par exemple en matière de soutien et d’intĂ©gration. 

L’expĂ©rience de l’exil crĂ©e-t-elle un besoin de protection fondamental similaire ? 

La reconnaissance de la demande d’asile et la garantie d’un droit de sĂ©jour sont dĂ©cisives pour les personnes rĂ©fugiĂ©es. Ce n’est qu’alors qu’elles peuvent se concentrer sur les aspects de l’intĂ©gration dans leur nouvelle vie, tels que la langue, l’éducation et le travail. 

Qu’est-ce qui nourrit le sentiment de sĂ©curitĂ© des femmes afghanes en Suisse ?  

Beaucoup d’Afghanes arrivent en Suisse traumatisĂ©es et Ă©puisĂ©es après un long voyage souvent difficile. Les autoritĂ©s devraient garantir un examen Ă©quitable et lĂ©gal de leurs demandes d’asile et l’octroi d’autorisations de sĂ©jour de longue durĂ©e. Cette Ă©tape clĂ© de l’intĂ©gration leur permet de trouver plus rapidement leurs marques dans un nouvel environnement et de s’y Ă©panouir. 

Y a-t-il d’autres aspects ? 

Trois facteurs sont particulièrement dĂ©cisifs : le statut de sĂ©jour, le logement et les liens familiaux. Un statut de sĂ©jour garanti et de longue durĂ©e donne aux femmes le sentiment de stabilitĂ© et de sĂ©curitĂ© dont elles ont besoin pour se concentrer sur l’intĂ©gration, la recherche de travail et l’apprentissage de la langue. Un logement stable et adĂ©quat est essentiel, tandis que le soutien de la famille ou d’un rĂ©seau social favorise le bien-ĂŞtre et facilite considĂ©rablement le parcours d’intĂ©gration. 

En quoi la population peut-elle contribuer au succès du parcours d’intĂ©gration ?  

J’aspire Ă  plus de tolĂ©rance, d’acceptation et d’empathie. Les prĂ©jugĂ©s et les stĂ©rĂ©otypes compliquent le vivre-ensemble. Chaque ĂŞtre humain mĂ©rite une chance Ă©quitable, indĂ©pendamment de sa religion, de sa couleur de peau ou de son apparence. Le port du voile, par exemple, est souvent pour les femmes l’expression de leur foi et de leur conception de la vie et pas nĂ©cessairement un symbole d’oppression. Leur dĂ©cision de le porter ou non devrait ĂŞtre respectĂ©e. Les femmes devraient disposer librement de ce choix en Suisse sans ĂŞtre jugĂ©es. 

Quel rĂ´le la diaspora joue-t-elle Ă  l’égard du sentiment de protection et de sĂ©curité ?  

Un rĂ´le nuancĂ©. Pouvoir parler dans sa langue, au sein de sa communautĂ©, et apprendre comment les choses fonctionnent grâce Ă  des personnes qui vivent ici depuis longtemps apporte un appui, une protection et une certaine sensation de sĂ©curitĂ©. Les diasporas peuvent servir de modèle et favoriser l’autonomie, mais elles sont souvent très hĂ©tĂ©rogènes. Elles se composent d’un grand nombre de gĂ©nĂ©rations et d’ethnies, et donc d’attitudes et d’opinions diffĂ©rentes, ce qui peut avoir aussi un effet restrictif. 

Diriez-vous que les femmes afghanes sont reprĂ©sentĂ©es de manière objective et ouverte dans les mĂ©dias suisses ou y a-t-il des stĂ©rĂ©otypes ?  

Oui, malheureusement cela arrive frĂ©quemment. En tant qu’Afghane, je peux dire que j’ai sans cesse dĂ» faire mes preuves pour ĂŞtre prise au sĂ©rieux, tant dans la sociĂ©tĂ© que dans le cadre professionnel. La plupart des gens me traitent avec pitiĂ© ou me placent dans un rĂ´le de victime en apprenant que je viens d’Afghanistan. Difficile alors de montrer ses compĂ©tences et ses forces face Ă  de tels prĂ©jugĂ©s. Beaucoup de personnes croient aveuglĂ©ment ce que disent les mĂ©dias et pensent que toutes les Afghanes mènent une vie identique, stĂ©rĂ©otypĂ©e, alors que nous sommes toutes diffĂ©rentes. Nos racines sont une richesse. Nous parlons souvent plusieurs langues, sommes flexibles et avons la capacitĂ© de nous adapter rapidement. Ces forces devraient ĂŞtre davantage reconnues. 

Comment lutter contre cette image ?  
La diversitĂ© est la clĂ©. Nous devons apprendre Ă  vivre ensemble dans une sociĂ©tĂ© diverse et Ă  intĂ©grer tout le monde. Les prĂ©jugĂ©s sont souvent inconscients, mais nous avons toutes et tous la capacitĂ© de les voir et de les remettre en question. Comprendre sur quoi reposent nos prĂ©jugĂ©s, c’est dĂ©jĂ  faire un grand pas. TolĂ©rance, respect et volontĂ© de se confronter Ă  d’autres rĂ©alitĂ©s de vie sont nĂ©cessaires pour vivre ensemble harmonieusement. 

Des chances équitables, ensemble pour les personnes réfugiées.

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