Le Tribunal administratif fédéral confirme l’exécution de renvoi en Érythrée malgré la menace d’enrôlement forcé au service national
À ce jour, les informations disponibles sur la situation en Érythrée et notamment sur le service national érythréen sont incertaines et manquent de fiabilité. Dans son arrêt, le TAF décrit clairement l’absence de clarté des indications dont il dispose. Selon le tribunal, les «fact finding missions» ne fournissent pas non plus d’informations fiables d’autant plus qu’elles proviennent de sources diplomatiques, de membres du gouvernement ou de sympathisants du régime. Malgré cela, le tribunal prend un arrêt de principe qui va bien au-delà du cas du jeune plaignant de 21 ans: il conclut en effet que le recrutement forcé à durée illimitée dans le service national érythréen ne peut être considéré comme risque grave après le retour. Selon le tribunal, l’exécution du renvoi est donc autorisée et raisonnable.
Argumentaire sans fondement juridique
Dans son arrêt, le TAF en vient à la conclusion que le travail à durée indéterminée à réaliser dans le cadre du service national illimité peut être qualifié de travail forcé, interdit dans le sens de l’art. 4 al. 2 Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Selon lui, il ne s’agit toutefois pas d’un motif suffisant pour rejeter l’exécution du renvoi, l’interdiction de travail forcé n’était pas enfreinte de manière assez «grave». Le tribunal pense en effet qu’il faut d’une part tenir compte des conditions de travail disproportionnellement difficiles dans le contexte du système économique socialiste érythréen et de la doctrine de l’État. «Un tel argumentaire est extrêmement discutable et sans fondement juridique: le travail forcé doit obligatoirement impliquer une interdiction de refoulement», selon Peter Meier, responsable de la politique d’asile à l’OSAR.
D’autre part, le tribunal semble persuadé que le travail forcé du service national érythréen engendre des maltraitances et des abus sexuels envers les recrues féminines. Le fait que ces abus soient «observés partout» n’est toutefois pas «suffisamment documenté». Le TAF demande donc de prouver la présence d’un risque systématique, impossible à justifier par les personnes concernées. La notion de protection est ainsi occultée. Le tribunal déroge donc de sa maxime inquisitoire et demande à l’Érythréen concerné d’apporter la preuve de sa requête. En agissant ainsi, le TAF accepte consciemment le risque de maltraitance pour les Érythréennes et Érythréens devant faire leur service national.
Contradiction avec la jurisprudence de la CEDH
Se référant à son propre arrêt du 30 janvier 2017, le TAF occulte également le risque d’emprisonnement lié au départ illégal du plaignant et avec lui, une éventuelle violation de l’interdiction de torture (art. 3 CEDH). Cette décision est en contradiction avec la récente jurisprudence prononcée par la Cour européenne des droits de l’homme.
Un durcissement injustifié
Outre le fait que le besoin de protection de la personne concernée n’a pas été suffisamment pris en compte par le tribunal, les rapatriements forcés vers l’Érythrée ne sont pas réalisables. L’OSAR constate qu’avec ce durcissement injustifié, la Suisse va bien plus loin que tous les autres pays européens. Cette manière d’opérer est non seulement extrêmement préoccupante dans la perspective des droits humains, mais entraîne aussi l’arrivée en masse de personnes nécessitant une aide humanitaire et devant vivre dans une situation extrêmement précaire.
Questions
Peter Meier
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