« Tout ce que je peux dire, c'est venez voir par vous-mêmes. Il n'y a pas de mots pour décrire cette souffrance et cette douleur. » Ce sont les premiers mots d’Ali Mohebbi quand nous l’informons que sa vidéo a touché énormément de personnes et a déclenché un vent de solidarité.
Voilà maintenant onze mois qu’Ali Mohebbi attend au camp de Moria. « Ici, on se croirait au bout du monde, résume-t-il. C'est pénible pour tout le monde, pour les hommes, les femmes, les personnes âgées, les jeunes, les enfants et les bébés. Mais probablement encore plus pour les personnes handicapées comme moi. Je me fais souvent insulter et invectiver, parce qu’il me faut plus de temps pour les toilettes et l'hygiène. En ce moment, j’ai des problèmes de peau. Mais il y a trop de monde et pas assez d'eau pour que je puisse laver mes habits. Le camp de Moria n’est pas conçu pour autant de réfugiés ; on est aujourd’hui 40'000 à s’y entasser. Une foule pareille et le manque d’égard des autorités responsables du camp posent de nombreux problèmes. »
Les durcissements de la loi grecque sur l’asile introduits en janvier 2020 ont des conséquences fatales pour les personnes en quête de protection. « Beaucoup de réfugiés ont des problèmes psychologiques et sombrent dans la dépression », poursuit Ali Mohebbi. « Les agressions entre requérants d’asile sont quotidiennes. Certains se sont même suicidés. L'automutilation est devenue monnaie courante ici, mais aucun des responsables du camp n'y fait attention. Je n’y échappe pas, ma jambe gauche commence à me faire si mal que j’ai de la peine à le supporter. Mon audition est prévue pour mars 2021, je dois attendre jusque-là ! » Ce qui est sûr selon lui, c’est qu’il ne faut pas s'attendre à ce que les nouvelles lois sur l'asile amènent un changement positif. « Mon appréciation se base sur les conditions de vie des personnes qui sont arrivées à Moria voici des mois ou des années, y compris celles qui ont, comme moi, un handicap physique. Le gouvernement grec les a bien reconnues comme réfugiés, mais ni la Grèce ni l'ONU ne les ont ensuite soutenues. Résultat : beaucoup préfèrent encore endurer les conditions épouvantables qui règnent dans le camp de Moria plutôt que de se rendre dans des villes comme Athènes ou ailleurs sur le continent. »
Ali Mohebbi sait ce qui l’aiderait le plus et ce que nous pouvons faire ici en Suisse pour lui et les autres réfugiés : évacuer tout de suite le camp de Moria ! « Vous savez bien qu’avec tous les problèmes économiques auxquels il est confronté, le gouvernement grec n'est pas en mesure de soutenir les requérants d'asile », souligne Ali Mohebbi. « Même si les organisations et institutions internationales aident la Grèce, il n'y aura pas d'amélioration pour nous.
En tant que témoin direct du sort des requérants d'asile qui croupissent dans le camp de Moria, j'invite le gouvernement et le peuple suisses à se faire la voix des femmes, des hommes et des enfants que la violence, la guerre, l’oppression et la discrimination ont contraints à l’exil. La grande majorité d’entre eux ont migré contre leur volonté. Je vous prie d’unir vos voix à la mienne pour éveiller les consciences. »
Ali Mohebbi, Moria, le 12 juillet 2020