Le cas concerne celui d’une femme d’origine tibétaine, qui avait déposé l’asile en Suisse en 2015. La requérante n’avait pas réussi à prouver que le lieu où elle avait passé l’essentiel de sa vie (lieu de socialisation) était le Tibet et s’était donc vue rejetée sa demande d’asile par le SEM. En se basant sur une analyse linguistique, le SEM avait conclu que l’intéressée avait grandi en Inde ou au Népal au sein de la diaspora tibétaine. Il lui a donc reproché de ne pas avoir collaboré et a prononcé son renvoi de la Suisse, en excluant le renvoi vers la Chine, du fait des risques de persécution. Cette décision a été confirmée par le TAF.
Une « circonstance particulière » qui s’oppose à l’octroi de l’asile familial
En 2019, cette même femme s’est mariée en Suisse avec un réfugié tibétain. Elle a demandé aux autorités de lui accorder l’asile familial, autrement dit de l’inclure dans le statut de réfugié de son conjoint. Le SEM a une nouvelle fois rejeté sa demande, toujours en raison de son manque de collaboration lors de sa première procédure d’asile en 2015. La présente affaire amène le TAF à tirer la conclusion suivante : le fait que le SEM ne puisse pas vérifier si la requérante tibétaine dispose d’une autre nationalité que celle de son conjoint déjà reconnu réfugié peut constituer une « circonstance particulière » qui s’oppose à l’octroi de l’asile familial. Cependant, le SEM se devait, avant de se prononcer, d’accorder la possibilité à la personne concernée de s’exprimer encore une fois sur son véritable lieu de socialisation. Si la personne collabore cette fois-ci correctement, elle obtiendra l’asile familial. Si elle persiste à ne pas collaborer, celui-ci lui sera refusé. Or, selon le TAF, les conclusions du SEM, notamment sur le lieu de socialisation, ne peuvent être remises en question dans cette nouvelle procédure.
Les réfugiés tibétains dans l'impasse
Il en résulte que la personne qui persistera à dire qu’elle a été socialisée au Tibet se trouvera dans une véritable impasse. En effet, le SEM pourra lui reprocher son manque de collaboration et supposer qu’elle possède une autre nationalité, ce qui entraînera le refus de l’asile familial. Au contraire, si elle avait dissimulé et reconnaît qu’elle a vécu plusieurs années dans un autre pays, généralement l’Inde ou le Népal pour les Tibétain-e-s, le SEM ne pourra pas lui reprocher son manque de collaboration initial et pourra donc lui accorder l’asile familial.
En conclusion, l’arrêt du TAF – qui pourra s’appliquer à d’autres situations analogues futures - conduit à ce que l’asile familial soit rendu dans les faits quasi impossible aux personnes qui ont dit la vérité sur leur lieu de socialisation pendant la procédure d’asile mais qui n’ont pas été crues par les autorités. En effet, pour les personnes d’origine tibétaine, il est très difficile, voire impossible, d’apporter après coup des preuves de socialisation au Tibet ou d’obtenir une pièce d’identité chinoise.
Dans le présent cas, la Tibétaine n’est pas menacée d’expulsion, même si le SEM devait à nouveau lui refuser l’asile familial. Son mariage avec un réfugié lui donne droit à une autorisation de séjour, selon la loi sur les étrangers. Toutefois, si sa demande est à nouveau rejetée, elle ne pourra jamais voyager à l’étranger, faute de pouvoir obtenir un passeport national chinois ou tout autre document de voyage.