Klaas van Dijken est cofondateur et directeur de Lighthouse Reports. Également journaliste d’investigation et rédacteur, il consacre son travail aux violations des droits humains aux frontières de l’Europe. L’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) s’est entretenue avec lui au sujet des recherches actuelles sur la Croatie.
En quoi consiste exactement le travail de Lighthouse Reports dans le domaine de l’asile et de la migration ?
Nous nous intéressons en particulier aux sujets de la migration, du climat, des conflits et de la corruption. Nous créons des salles de nouvelles (newsrooms) pour des sujets spécifiques, nous déléguons des rédactrices et des rédacteurs et fournissons les outils et les ressources nécessaires au travail des journalistes. Les résultats sont ensuite publiés sur des plateformes existantes. Le dernier exemple en date est la recherche sur le naufrage d’un bateau près de Cutro en Italie le 26 février dernier, qui a coûté la vie à 93 personnes. D’après nos investigations, les gardes-côtes italiens et Frontex avaient repéré l’embarcation, sans rien entreprendre pour lui porter secours.
Pourquoi l’équipe d’investigation de Lighthouse Report s’intéresse-t-elle à la politique d’asile de la Croatie ?
La Croatie est un bon exemple, parmi d’autres, des violations des droits humains perpétrées contre les personnes en quête de protection et de plus en plus tolérées dans les pays de l’Union européenne. Les refoulements en Croatie sont le reflet de la politique d’asile non officielle de l’Union européenne (UE). Les personnes responsables soutiennent ces refoulements, mais ne veulent pas savoir ce qui se passe réellement sur place. Selon moi, ces violations sont intentionnelles et découlent d’une volonté politique.
Quels sont les principaux défis que pose la documentation des refoulements aux frontières ?
Il devient de plus en plus difficile de se rendre dans les régions où ont lieu les refoulements, surtout à l’intérieur des frontières européennes. Les gouvernements tentent d’interdire l’accès aux journalistes. Nous trouvons souvent le moyen de mener nos investigations sur place en passant par des pays qui ne sont pas membres de l’UE. Dans le cas de la Croatie, nous passons par la Serbie, la Bosnie-Herzégovine et le Monténégro.
Discutez-vous des potentielles conséquences politiques avant de décider de mener des recherches sur un sujet ?
Non, nous n’en parlons pas en amont, car notre objectif est avant tout de publier des informations détaillées sur des violations des droits humains. Ensuite, c’est le rôle des journalistes, des ONG ou des expert-e-s des droits humains d’utiliser nos recherches pour appuyer une revendication politique, par exemple.
Certains passages de cette interview sont utilisés dans le magazine de l’Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) « Fluchtpunkt / Planète Exil », édition 2/2023.