Partager quelque chose de commun crée de la confiance et de la bienveillance. À la Journée de rencontre de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), des jeunes qui ont grandi en Suisse et des requérant-e-s d’asile qui participent à un projet d’intégration professionnelle se présentent mutuellement leur lieu de formation. Grâce à cette nouvelle initiative de Gasim Nasirov, spécialiste expérimenté de la migration et de la formation de l’OSAR, la Journée de rencontre est devenue encore plus vivante et marquera durablement les esprits. «Toutes et tous les participants utilisent ainsi les compétences qu’ils ont développées dans leur univers respectifs et l’échange se fait d’égal à égal», explique Barbara Roedlach, responsable du département Formation de l’OSAR.
Le professeur d’histoire Roberto Peña a réservé une journée de rencontre de ce type pour ses quelque vingt élèves de l’école de culture générale de Bienne-Seeland, un département du gymnase. Le matin, la classe visite le projet d’intégration professionnelle «HandsOn» que la Fondation Armée du Salut Suisse, une organisation membre de l’OSAR, propose depuis 2017 aux requérant-e-s d’asile de la région de Berne. L’après-midi, les élèves se rendent à Bienne avec les participant-e-s de «HandsOn», afin de leur présenter leur école. Roberto Peña tient à faire connaître à ses élèves des réalités de vie historiques et actuelles et à les inciter à la réflexion: «Elles travailleront dans le social et doivent pouvoir aller à la rencontre de diverses personnes avec sensibilité. La Journée de rencontre de l’OSAR leur offre un aperçu direct de la réalité de jeunes requérant-e-s d’asile. Des entretiens approfondis sont possibles, parce que leurs interlocuteurs connaissent déjà bien le projet d’intégration professionnelle et ont acquis de solides bases d’allemand. »
Taux de réussite élevé
Les élèves ont observé fascinées les mains habiles des jeunes personnes ayant fui le Tibet, l’Érythrée, l’Iran, l’Irak, l’Afghanistan, le Sri Lanka et la Syrie. «Il faut beaucoup d’exercice et d’habileté pour coudre proprement des ourlets sur ces grosses machines à coudre industrielles avec les tissus d’épaisseurs différentes», explique Ehsanullah Ahmad. Le jeune Afghan montre fièrement sa collection de sacs aux élèves étonnées et répond calmement à leurs questions au sujet de sa vie d’avant. Il aurait aimé être ingénieur du son et a pu s’y exercer un peu à travers son engagement bénévole à la radio locale bernoise. Dans la réalité professionnelle, il va peut-être, si tout se passe bien, commencer bientôt un apprentissage de monteur électricien.
Entre-temps, les élèves se sont installées devant toutes les machines à coudre et s’entraînent à suivre des lignes droites. Heureux de pouvoir transmettre leur savoir-faire, les requérant-e-s d’asile leur donnent de patientes instructions; on entend des rires, des encouragements, des dictons. «Ici, on aimerait tous trouver un travail et pouvoir à l’avenir subvenir nous-mêmes à nos besoins», déclare Yosef Barshan, un Kurde qui a fui l’Irak. Ils sont quelques-uns à avoir fait auparavant des études, ce qui leur permet peut-être d’apprendre un peu plus vite l’allemand. Mais eux aussi doivent tout recommencer depuis le début.
«Les participant-e-s ont une année pour se préparer sur le plan linguistique et professionnel à commencer un apprentissage ou un préapprentissage», explique Jonathan Wüthrich, chef de la production. Le projet présente un remarquable taux de réussite: «Sur les 30 personnes qui ont terminé HandsOn, 28 ont trouvé une solution de raccordement, souvent un apprentissage ou un préapprentissage, ajoute la collaboratrice Fabienne Duss. Nous finançons notamment le projet par les travaux commandés. »
«Il y aura toujours des réfugiés»
Le voyage à Bienne et les visites guidées de l’école par petits groupes permettent de poursuivre la discussion. «La plupart des requérants d’asile parlent déjà bien l’allemand, on peut bien discuter», se réjouit une élève. «Wow, vous avez une belle école avec une bibliothèque, une salle d’informatique, une salle de musique, une salle de gym et un lac à proximité, c’est magnifique», relèvent quelques requérants d’asile impressionnés. Certains se rappellent leur propre scolarité qui a trop souvent connu une fin abrupte, que ce soit à cause de la guerre, des expulsions ou de la misère. Mais la joie de rencontrer de jeunes Suissesses l’emporte nettement, à en croire la séance de feed-back qui clôt la rencontre.
Auparavant, les groupes s’affrontent dans la cour dans des épreuves de course au sac, des matchs de basket et une course de relais. Ils y prennent beaucoup de plaisir. «C’était ma plus belle journée depuis que je suis en Suisse», déclare Yosef Barshan, visiblement ému. «Nous avons tous l’image des requérants d’asile véhiculée par les médias. Aujourd’hui, nous avons pu nous faire notre propre idée. Ça m’a beaucoup plu», déclare Ramona Schär. Une autre élève repense sans cesse à l’histoire de la fuite de sa famille: «Il y aura toujours des réfugiés, déclare-t-elle. S’ils peuvent rester, on ferait mieux d’investir pour leur permettre de mener une vie indépendante. C’est bon pour eux et pour la société. »