Avec le traité de paix entre l’Érythrée et l’Éthiopie, le moment est venu de négocier un accord sur la migration et de ramener dans leur patrie les Érythréen-ne-s vivant en Suisse, rapporte le SonntagsZeitung en citant les paroles de Toni Locher, consul honoraire érythréen. Toni Locher part du principe que le gouvernement érythréen ramènera progressivement le service national illimité à 18 mois et qu’une détente de la politique intérieure ainsi qu’une reprise économique auront lieu dans le pays. Les conditions idéales, donc, pour négocier un accord qui porte sur les contingents de migration pour les apprenants, les aides au retour, l’aide au développement, mais aussi des promesses de réadmission du gouvernement érythréen. Toni Locher est soutenu notamment par les Conseillers nationaux Kurt Fluri (PRD) et Heinz Brand (UDC), qui exigent également un accord de réadmission entre la Suisse et l’Érythrée.
Un traité de paix ne signifie pas automatiquement la fin de la dictature érythréenne
Naturellement, un traité de paix entre les deux pays, qui ont mené pendant plus de 20 ans une guerre insensée ayant fait plus de 70’000 victimes, est une étape significative. Depuis deux semaines, les frontières, longtemps fermées, sont rouvertes, les appels sur le réseau fixe de nouveau possibles, les liaisons aériennes entre Addis Abeba et Asmara ont repris. Des familles et ami-e-s séparés par la guerre et les frontières fermées peuvent désormais se revoir sans avoir à faire des détours compliqués et coûteux par la péninsule Arabique. C’est effectivement très réjouissant. Seulement, le traité de paix et les liaisons aériennes au-delà des frontières en disent assez peu sur la situation des droits humains en Érythrée elle-même. En effet, les Érythréen-ne-s ne fuyaient et ne fuient pas leur pays en premier lieu à cause de la guerre avec l’Éthiopie, mais à cause du système répressif qui les oblige à un service national et des travaux forcés illimités dans le temps et qui les punit de torture en cas de désobéissance.
L’amélioration de la situation des droits de l’homme en Érythrée reste pure spéculation
Du point de vue de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), l’euphorie régnant dans les médias et les milieux politiques de notre pays en ce qui concerne l’avenir de la politique intérieure de l’Érythrée est prématurée. L’Érythrée est et reste pour l’instant un État unipartite où tout le pouvoir est concentré sur la personne du président Isayas Afewerki. Elle reste un pays où aucune élection n’a plus été organisée depuis 1993 et où la constitution adoptée en 1997 n’est toujours pas en vigueur aujourd’hui. Exception faite des contacts avec la Chine, l’Iran et Cuba, l’Érythrée est isolée du point de vue international et occupe au classement de Reporters sans frontières, juste devant la Corée du Nord, la peu glorieuse avant-dernière place du monde en ce qui concerne la liberté de presse. Des organisations des droits humains comme Amnesty International n’obtiennent pas d’accès au pays, les observateurs/-trices du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) n’ont aucun accès aux nombreuses prisons. Par ailleurs, le président n’a pas encore à ce jour mis en application l’annonce que le service national serait ramené aux 18 mois prescrits par la loi. Tant qu’il n’existe aucune source indépendante qui pourrait démontrer de manière fiable un changement stable et permanent de la situation en Érythrée, une situation améliorée des droits de l’homme demeure la spéculation la plus pure et les renforcements de la procédure sont illégitimes.
Les réintégrations d’Érythréens restent illicites malgré le traité de paix
Le Secrétariat d’État à la Migration (SEM) et le Tribunal administratif fédéral (TAF) reconnaissent que des sources d’information essentielles sur les thèmes relevant de la pratique en matière d’asile sont supprimées en raison du manque d’informations. En toute connaissance de cause, le TAF a décidé le 10 juillet 2018 dans le jugement de principe E-5022/2017 que le renvoi est admissible et acceptable même en cas de menace de convocation au service national et de travaux forcés. L’OSAR critique ce jugement estimé négligent, car il se base sur des suppositions au lieu de faits certains et refuse aux personnes renvoyées la protection qui leur revient toujours. Malgré le traité de paix.