Les renvois sont un volet de la pratique de la Suisse en matière d’asile. Les autorités considèrent comme exigible un renvoi dans les villes de Kaboul, Herat et Mazar-i-Sharif dans des conditions dites «favorables». Elles entendent par là en particulier l’existence d’un réseau familial ou social. Le Conseil fédéral l’a confirmé le 9 décembre 2019 dans les réponses qu’il a apportées à la session de questions. Les parlementaires voulaient savoir sur quelles bases des personnes en quête de protection sont renvoyées en Afghanistan et si leur sécurité y est garantie. L’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) dénonce depuis des années cette pratique inacceptable au vu de la réalité sur place.
Après plus de 40 ans de guerre et de violence, la situation reste extrêmement dangereuse pour la population civile à bien des endroits en Afghanistan. Les Talibans contrôlent aujourd’hui des territoires plus vastes que jamais auparavant depuis 2001 et les conditions de sécurité se dégradent dans tout le pays. Dans ses directives, le HCR exclut la ville de Kaboul en tant qu’option de fuite interne. L’OSAR estime qu’un retour est inexigible même pour les personnes originaires de Kaboul à cause du très grand danger qui persiste. La ville est terrorisée par les nombreux attentats orchestrés par l’«État islamique» autoproclamé et par les Talibans: la Mission d’assistance des Nations Unies a de nouveau relevé en 2018 une proportion particulièrement élevée d’attentats-suicides visant la population civile et les autorités. Ces crimes ont été perpétrés dans des mosquées, des églises, des écoles, des universités et des bureaux de vote. En 2019 aussi, on continue à déplorer de nombreuses attaques de ce type dans la ville de Kaboul; plus de 100 civil-e-s y ont été tué-e-s rien que pendant le ramadan.
Dans les villes de Herat et Mazar-i-Sharif, des civil-e-s sont victimes de meurtres ciblés, mais aussi d’attentats. Les combats entre l’armée afghane et les Talibans se rapprochent toujours plus des villes qui en pâtissent aussi sur le plan socio-économique. Sans compter que, depuis des années, on assiste quotidiennement à un exode rural de personnes fuyant les combats. Les autorités municipales et nationales ne parviennent pas à assurer l’approvisionnement de base de tout ce monde. Les personnes rapatriées ne peuvent guère espérer de soutien, même si elles disposent en théorie d’un réseau familial ou social: Complètement appauvri-e-s, leurs proches sont elles et eux-mêmes confronté-e-s à des détresses existentielles et doivent déjà pourvoir aux besoins d’un grand nombre de personnes démunies.
Dans ces circonstances, parler de «conditions favorables» revient à occulter la réalité sur place. Un monitoring systématique de la situation des personnes renvoyées par les autorités suisses n’est pas seulement souhaitable, mais impérativement nécessaire. Cela permettrait aussi de vérifier s’il n’aurait pas fallu depuis longtemps déjà réviser la pratique actuelle en matière d’asile au vu de la situation sur place.