Depuis son entrée en fonction en avril 2018, le Premier ministre Abiy Ahmed a introduit de profondes réformes à un rythme soutenu. Il a ordonné la libération de centaines de prisonniers politiques, levé l’interdiction des partis politiques et proclamé la paix avec son voisin l’Érythrée. Les opposant-e-s en exil ont été invités à rentrer au pays pour participer au processus politique. Par ailleurs, Abiy Ahmed a ordonné l’arrestation d’officiers, d’agents des services secrets et de fonctionnaires du régime précédent pour corruption et violations des droits humains. Ces mesures ont fait de lui un chef d’État porteur d’espoir et célébré au niveau international.
Cependant, elles ont aussi fait de lui l’ennemi de nombreuses personnes – notamment parmi la vieille garde – que les réformes politiques engagées ont déchues. En octobre 2018, des centaines de soldats se sont rendus au siège du Premier ministre, afin de réclamer des augmentations salariales. En réalité, il s’agissait d’une tentative d’assassinat, qui a pu être déjouée au dernier moment. En juin 2018 déjà , Abiy Ahmed avait survécu à une attaque à la grenade.
2,9 millions de personnes déplacées
Les observateurs ont salué les réformes engagées, soulignant toutefois que le chemin vers un renouveau durable pour l’Éthiopie serait semé d’embûches. D’une part, l’avenir de la coalition gouvernementale qui a porté Abiy Ahmed au pouvoir reste incertain, en raison d’une forte concurrence interne et externe. D’autre part, le Premier ministre doit mettre tout en œuvre pour apaiser les tensions ethniques croissantes. En 2018, plus de 2,9 millions de personnes ont dû fuir les conflits ethniques en Éthiopie, et ce, dans l’indifférence de l’opinion publique internationale. Aucun autre pays à travers le monde n’a connu un nombre de déplacés internes aussi élevé l’année passée.
L’instabilité politique s’est à nouveau traduite dans les faits le 23 juin 2019: le gouverneur de la région d’Amhara et deux de ses collaborateurs ont été assassinés lors d’une tentative de coup d’État et le chef de l’armée éthiopienne a été tué dans la capitale Addis Abeba. Abiy Ahmed a réagi avec fermeté. Les autorités ont arrêté des centaines de personnes soupçonnées de soutenir les responsables des attentats. Internet a en outre été coupé durant six jours. Ces assassinats, commis à l’encontre du chef de l’armée et du président de la région d’Amhara, rappellent ainsi à quel point la situation en Éthiopie reste explosive.
Les frontières avec l’Érythrée à nouveau fermées
Les relations avec l’Érythrée se sont depuis lors refroidies. En avril 2019, les frontières ont été fermées et le processus de paix est actuellement au point mort. L’organisation des élections prévues pour mai 2020 semble de plus en plus incertaine en raison des conflits politiques et ethniques. L’avenir de l’Éthiopie paraît précaire, malgré les réformes engagées, et Abiy Ahmed fait face à un défi de taille: celui de trouver des solutions aussi bien aux conflits ethniques qu’aux conflits politiques. En outre, il se doit d’engager les réformes dont le pays a besoin depuis longtemps pour moderniser l’économie, encourager la croissance et les investissements et surtout créer des emplois pour les jeunes. L’Éthiopie compte en effet encore parmi les pays les plus pauvres au monde.