Le nombre de cas présumés de traite des êtres humains dans le secteur de l’asile a plus que doublé au cours des trois dernières années. Cela s’explique en grande partie par la représentation juridique gratuite dont bénéficient les personnes requérantes d’asile dès le départ, les cas éventuels de traite des êtres humains pouvant dès lors être identifiés plus rapidement qu’auparavant. Toutefois, l’identification des victimes de traite des êtres humains dans la procédure d’asile ne constitue pas la seule difficulté. Ce groupe de personnes particulièrement vulnérables nécessite également des mesures de protection spécifiques, qui font encore en grande partie défaut dans la procédure d’asile. Sans l’implication de spécialistes, il est difficile de procéder à l’établissement des faits pertinents pour la procédure d’asile. Or, cette collaboration non plus n’est pas institutionnalisée dans la nouvelle procédure d’asile. Cette lacune est d’autant plus regrettable que la traite des êtres humains peut constituer une persécution déterminante du point de vue de l’asile.
Protection lacunaire pour les victimes
Un hébergement sûr ou un accompagnement psychologique sont des exemples de mesures de protection qu’il s’agit d’adopter. La Commission nationale de prévention de la torture (CNPT) a visité plusieurs centres d’asile au cours des deux dernières années et a constaté que les besoins spécifiques des personnes requérantes d’asile vulnérables ne sont pas suffisamment pris en compte. La CNPT conclut également que les centres d’asile ne disposent pas de procédure structurée d’identification des victimes de traite des êtres humains.
Les lacunes en matière d’aide aux victimes constituent l’un des problèmes majeurs. Grâce à la loi sur la protection des victimes, les personnes concernées sont normalement hébergées dans des refuges et reçoivent un encadrement médical et psychologique. Or, si une personne a été exploitée à l’étranger, ce qui est fréquent dans le secteur de l’asile, elle n’a alors pas accès – ou un accès limité – aux prestations de l’aide aux victimes. L’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) déplore cette inégalité de traitement depuis des années. Elle exige que, en cas de soupçon de traite, les personnes potentiellement victimes puissent également faire valoir leurs droits durant la procédure d’asile.
Une collaboration essentielle
Beat von Wattenwyl, responsable du domaine Protection à l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés, dénonce les obstacles subis, durant la phase test déjà , par les représentant-e-s juridiques du Centre fédéral d’asile de Boudry dans l’accomplissement de leurs tâches. Comme il l’explique dans le WOZ du 28 mars 2019, le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) a ainsi interdit aux représentant-e-s juridiques d’instaurer des échanges réguliers avec les médecins et psychiatres afin de s’informer de l’état de santé de leurs clientes et clients. «C’est inacceptable, lance-t-il. Un échange rapide et complet d’informations doit avoir lieu, en particulier dans le cadre de la procédure accélérée. » Dans le cas contraire, les représentant-e-s juridiques ne seront pas en mesure de remplir leur devoir de diligence. Les victimes de traite des êtres humains encourent ainsi un risque important de ne pas être reconnues comme telles à temps et de ne pas être suffisamment protégées. Pour s’assurer que ces personnes soient traitées de manière adaptée, des procédures et responsabilités claires sont nécessaires dans les six centres fédéraux d’asile.
La revue spécialisée est publiée sous la direction de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR). ASYL commente la législation nationale et européenne en vigueur, son interprétation dans la pratique juridique et ses implications pour la Suisse.
Dix ans après l’entrée en vigueur de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, le numéro 3/2018 propose des analyses et des informations exclusives sur la traite des êtres humains. Ce numéro peut être commandé au prix de CHF 19.00 par e-mail (periodika@staempfli.com) ou par téléphone (031 300 63 25).