« Sous sa forme actuelle, le service national est inextricablement lié au travail forcé et à des pratiques analogues à l’esclavage »

25 août 2023

Dr Mohamed Abdelsalam Babiker est rapporteur spécial des Nations Unies (ONU) sur la situation des droits de l’homme en Érythrée depuis septembre 2020. Le Soudanais est professeur associé de droit international et doyen de la faculté de droit de l’université de Khartoum, ainsi que directeur fondateur du centre local des droits humains. En tant qu’avocat en exercice, il a mené des enquêtes internationales sur des questions de droits humains et de droit humanitaire international dans de nombreux pays africains. L’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) a pu l’interviewer.

Interview : Jeannine König, responsable de l’équipe de relations publiques, dĂ©partement Communication de l’OSAR

Dr Babiker, dans votre rĂ©cent rapport annuel que vous avez prĂ©sentĂ© au Conseil des droits de l’homme Ă  Genève au mois de juin, vous constatez l’absence de tout signe de progrès dans la situation des droits humains en ÉrythrĂ©e. Au contraire, vous dites qu’elle s’est dĂ©tĂ©riorĂ©e par rapport Ă  l’annĂ©e dernière dans plusieurs domaines. Pouvez-vous nous citer ces principales dĂ©tĂ©riorations ?

« J’avais espĂ©rĂ© que non seulement la signature de l’accord de cessation des hostilitĂ©s par le gouvernement Ă©thiopien et le Front populaire de libĂ©ration du TigrĂ© en novembre 2022 permettrait d’avancer sur la voie de la paix en Éthiopie, mais aussi qu’elle conduirait Ă  des amĂ©liorations de la situation des droits humains en ÉrythrĂ©e et Ă  l’élaboration de mesures de responsabilisation. En rĂ©alitĂ©, les autoritĂ©s Ă©rythrĂ©ennes poursuivent leurs campagnes de conscription, qui consistent Ă  rassembler des jeunes en masse et Ă  les enrĂ´ler de force en recourant Ă  la violence et aux sanctions collectives des familles des personnes astreintes au service militaire.

La rĂ©pression de la libertĂ© de religion et de conviction s’est Ă©galement intensifiĂ©e l’an dernier.  Plusieurs vagues d’arrestations massives de chefs religieux et d’adeptes ont eu lieu. Selon des tĂ©moignages, 150 personnes chrĂ©tiennes ont Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©es lors d’un rassemblement Ă  Asmara en septembre 2022. Si quelques femmes et enfants ont Ă©tĂ© remis-es en libertĂ©, 98 personnes ont Ă©tĂ© maintenues en dĂ©tention dans la prison de Mai Serwa. En octobre 2022, trois prĂŞtres catholiques ont Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©s arbitrairement avant d’être relâchĂ©s fin dĂ©cembre. Des rafles menĂ©es en janvier 2023 ont Ă©galement conduit Ă  l’arrestation et Ă  l’incarcĂ©ration Ă  Mai Serwa de 39 femmes et cinq hommes de foi chrĂ©tienne. En mars 2023, 30 personnes chrĂ©tiennes qui s’étaient rĂ©unies pour la cĂ©lĂ©bration du culte Ă  Keren ont Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©es. En avril, environ 400 chrĂ©tiennes et chrĂ©tiens Ă©vangĂ©liques, 27 tĂ©moins de JĂ©hovah et plus de 40 moines orthodoxes, partisans du dĂ©funt patriarche Abune Antonios, ont fait l’objet d’arrestations arbitraires. Â»

« Le service national reste l’un des principaux instruments de contrôle social et économique dont dispose le gouvernement érythréen. »

L’ÉrythrĂ©e applique depuis longtemps une politique de service national Ă  durĂ©e indĂ©terminĂ©e, avec une composante de service civil et une composante de service militaire obligatoire. Dans votre rapport, vous constatez une dĂ©tĂ©rioration des mĂ©thodes d’enrĂ´lement au service national par rapport Ă  l’an dernier. Quelle est la situation actuelle ?

« Le service national reste l’un des principaux instruments de contrĂ´le social et Ă©conomique dont dispose le gouvernement Ă©rythrĂ©en. Des centaines de milliers d’ÉrythrĂ©ennes et d’ÉrythrĂ©ens continuent de devoir prendre part Ă  ce système de travail forcĂ© et de service militaire soutenu par l’État et doivent souvent servir pendant des dĂ©cennies dans des conditions d’exploitation indignes, sans avoir le droit de choisir librement leur mĂ©tier et pour une paie de misère. C’est un système qui porte atteinte au droit au travail et Ă  un niveau de vie suffisant de toute la population Ă©rythrĂ©enne. Ces modes d’enrĂ´lement que j’ai dĂ©crits dans mon dernier rapport au Conseil se sont durcis l’annĂ©e dernière : il y a eu une recrudescence de l’enrĂ´lement forcĂ© entre le milieu et la fin de l’annĂ©e 2022 et un recours accru aux pratiques coercitives visant Ă  contraindre les ÉrythrĂ©ennes et les ÉrythrĂ©ens, y compris les enfants et les personnes âgĂ©es, au service militaire. Ces pratiques incluaient les sanctions collectives de familles entières : expulsion du domicile, saisie des biens et mise Ă  la rue, amendes, refus de l’accès aux bons d’achat pour les produits alimentaires et mise en dĂ©tention de membres de la famille pour forcer celles et ceux qui voudraient se soustraire Ă  la conscription Ă  se rendre aux autoritĂ©s. Des enfants ont continuĂ© Ă  ĂŞtre rassemblĂ©-e-s pour ĂŞtre enrĂ´lĂ©-e-s en masse. Comme je l’ai dit, j’avais espĂ©rĂ© un recul des convocations après la signature de l’accord de paix, mais celles-ci se sont poursuivies en 2023 Ă  la faveur des nouvelles campagnes menĂ©es pendant le premier semestre. Â»

Quelles sont les violations les plus frĂ©quentes des droits humains dans le contexte du service national ?

« Comme je l’ai dĂ©jĂ  dit Ă  diffĂ©rentes tribunes, mon point de vue d’expert est que le risque d’être soumis au service national devrait constituer un motif de protection internationale. Sous sa forme actuelle, le service national est inextricablement liĂ© au travail forcĂ© et Ă  des pratiques analogues Ă  l’esclavage. Comme expliquĂ© dans de nombreux rapports des Nations Unies, notamment ceux Ă©laborĂ©s dans le cadre de mon mandat et par la commission d’enquĂŞte de l’ONU sur l’ÉrythrĂ©e, un nombre Ă©levĂ© d’actes de torture, de traitements inhumains ou dĂ©gradants, de violences sexuelles et sexistes, de mises en dĂ©tention arbitraires et de disparitions forcĂ©es, ainsi que de violations du droit Ă  la vie de famille, Ă  un travail dĂ©cent et Ă  un niveau de vie suffisant qui en dĂ©coulent, ont Ă©tĂ© recensĂ©s en lien avec le service national. D’autres aspects encore justifient d’octroyer une protection et un soutien aux personnes rĂ©fugiĂ©es d’ÉrythrĂ©e : la durĂ©e indĂ©terminĂ©e du service, les conditions d’exploitation, inhumaines ou dĂ©gradantes et les violations persistantes des droits humains, ainsi que l’absence de toute responsabilisation Ă  l’égard des sĂ©vices commis dans le cadre du service national. Â»

Vous parlez aussi de sanctions collectives des familles des rĂ©fractaires. En quoi consistent-elles exactement ?

« Cela fait plus d’une dĂ©cennie que des milliers de jeunes ÉrythrĂ©ennes et ÉrythrĂ©ens, voyant les anciennes gĂ©nĂ©rations soumises au travail forcĂ© et au service militaire pendant des annĂ©es, tentent de se soustraire au service national. Ces jeunes refusent de subir le mĂŞme sort que leurs parents et que leurs frères et sĹ“urs aĂ®nĂ©-e-s et fuient le pays par milliers chaque annĂ©e. Le conflit au TigrĂ© a encore exacerbĂ© la situation : hommes, femmes et enfants essaient d’éviter d’être envoyĂ©-e-s au front en Éthiopie. Les personnes qui sont enrĂ´lĂ©es ou en âge d’être conscrites se cachent. Les enfants arrĂŞtent l’école de plus en plus tĂ´t pour Ă©chapper aux « giffas Â», les rafles. En rĂ©action, si des personnes astreintes au service militaire ne se prĂ©sentent pas, les autoritĂ©s font pression sur les rĂ©fractaires en punissant leurs familles. Selon de nombreux tĂ©moignages, Ă  leur arrivĂ©e dans des villages ou des maisons pour arrĂŞter des personnes considĂ©rĂ©es comme rĂ©fractaires sans rĂ©ussir Ă  mettre la main dessus, des soldates et soldats ont arrĂŞtĂ© et incarcĂ©rĂ© les membres de leur famille Ă  leur place pour les obliger Ă  cĂ©der. Dans d’autres cas, des militaires ont expulsĂ© de leur domicile et jetĂ© Ă  la rue, dans la prĂ©caritĂ©, les proches d’hommes et de femmes refusant de servir. Les membres du voisinage ont Ă©tĂ© menacĂ©s du mĂŞme sort s’ils aidaient les familles concernĂ©es. Les familles ont Ă©galement reçu des amendes et se sont vu refuser les bons d’achat nĂ©cessaires pour accĂ©der aux produits alimentaires soumis au contrĂ´le des prix. On m’a parlĂ© d’un village dans lequel les soldates et les soldats ont emportĂ© le bĂ©tail et dĂ©truit les champs de personnes qui n’ont pas voulu livrer leurs proches. Â»

Vous Ă©crivez que le service militaire national a aussi des consĂ©quences sur les droits Ă©conomiques, sociaux et culturels. Lesquelles ?

« Le service national a eu de lourdes rĂ©percussions sur les droits Ă©conomiques, sociaux et culturels, notamment sur le droit Ă  une Ă©ducation de qualitĂ©, Ă  un travail dĂ©cent, Ă  un niveau de vie suffisant, en ce compris Ă  un logement convenable, et Ă  la vie privĂ©e et de famille. J’ai parlĂ© avec des personnes d’ÉrythrĂ©e qui ont dĂ» effectuer un service forcĂ© pendant plus de 20 ans ou du travail forcĂ© pendant plus de 15 ans. Pendant tout ce temps, elles n’ont pas pu choisir un mĂ©tier ou une carrière, ne gagnaient pas assez pour nourrir une seule personne et encore moins une famille et ne pouvaient rendre visite Ă  leur famille que pendant quelques jours, souvent une seule fois par an, si tant est que leur supĂ©rieur-e leur en donnait la permission. Pour Ă©chapper au service militaire, les femmes et les filles se marient souvent très jeunes et tombent enceintes alors qu’elles sont parfois encore enfants. RĂ©sultat, deux gĂ©nĂ©rations d’ÉrythrĂ©ennes et d’ÉrythrĂ©ens ont grandi sans leur père et les femmes doivent porter seules le lourd fardeau de l’éducation des enfants et de la subsistance Ă©conomique de la famille. Le maigre solde que perçoivent les personnes astreintes au service tant militaire que civil confronte les familles Ă  d’importantes difficultĂ©s financières. Cette situation porte gravement atteinte au droit des personnes Ă©rythrĂ©ennes Ă  un niveau de vie suffisant pour elles-mĂŞmes et leurs familles, y compris au droit Ă  une alimentation, un habillement et un logement convenables et Ă  une amĂ©lioration constante des conditions de vie.

En plus, le programme du service national prive les jeunes ÉrythrĂ©ennes et ÉrythrĂ©ens de tout espoir d’un avenir meilleur et les empĂŞche de poursuivre leur formation. Face Ă  l’obligation pour tous les garçons et toutes les filles d’effectuer leur dernière annĂ©e du cycle d’études secondaire Ă  l’acadĂ©mie militaire de Sawa pour achever leur formation militaire, beaucoup d’élèves interrompent leur scolaritĂ© avant leur transfert Ă  Sawa. Les maltraitances que les fonctionnaires militaires infligent continuellement aux Ă©lèves de Sawa, y compris sous la forme de harcèlement sexuel et de violences sexuelles contre les femmes et les filles, empiètent gravement sur le droit Ă  une formation dans un environnement sĂ»r et stimulant. Qui plus est, la qualitĂ© de l’éducation dispensĂ©e aux Ă©lèves Ă  Sawa est insuffisante et la plupart n’obtiennent pas les notes requises pour suivre des Ă©tudes supĂ©rieures, si bien qu’on les enrĂ´le directement pour le service militaire. Les enfants dĂ©crochent très tĂ´t de l’école pour se cacher, pour fuir le pays ou pour contribuer aux revenus et aux moyens de subsistance de la famille. Â»

« Les personnes réfugiées d’Érythrée ont besoin et méritent de bénéficier d’une meilleure protection. »

Que recommandez-vous aux États europĂ©ens concernant le traitement des personnes rĂ©fugiĂ©es d’ÉrythrĂ©e ? Vous citez deux exemples positifs dans votre rapport : l’Allemagne et les Pays-Bas.

« Les personnes rĂ©fugiĂ©es d’ÉrythrĂ©e ont besoin et mĂ©ritent de bĂ©nĂ©ficier d’une meilleure protection. Les États qui les accueillent devraient Ă©laborer des stratĂ©gies et prendre des mesures pour les protĂ©ger. Il y a lĂ  une corrĂ©lation directe avec la reconnaissance de leur besoin de protection internationale et l’octroi du statut de personne rĂ©fugiĂ©e et d’autres statuts de protection pour les ÉrythrĂ©ennes et les ÉrythrĂ©ens. Aux Pays-Bas, le Conseil d’État, c’est-Ă -dire le tribunal administratif suprĂŞme du pays, a reconnu en 2022 que la composante militaire du service national violait l’article 3 de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme et constituait Ă  ce titre un motif suffisant d’octroi de la protection. En Allemagne, le Tribunal administratif fĂ©dĂ©ral a jugĂ© que les personnes rĂ©fugiĂ©es et requĂ©rantes d’asile Ă©rythrĂ©ennes ne pouvaient plus ĂŞtre contraintes de se procurer des papiers auprès de l’ambassade Ă©rythrĂ©enne pour avoir accès aux documents de voyage allemands, dans le but de les protĂ©ger de la pression et de la coercition frĂ©quemment exercĂ©es par les fonctionnaires de l’ambassade et du consulat.

Je tiens Ă  souligner qu’il est dangereux de renvoyer des personnes requĂ©rantes d’asile Ă©rythrĂ©ennes dans leur pays d’origine, vu le risque Ă©levĂ© qu’elles soient exposĂ©es Ă  des violations de droits humains Ă  leur retour. La pratique des autoritĂ©s Ă©rythrĂ©ennes consistant Ă  soumettre les personnes requĂ©rantes d’asile revenues au pays Ă  des mises en dĂ©tention arbitraires, Ă  des interrogatoires et, dans certains cas, Ă  la torture ou Ă  la disparition forcĂ©e a Ă©tĂ© documentĂ©e en dĂ©tail dans le cadre de mon mandat ainsi que par la commission d’enquĂŞte de l’ONU pour l’ÉrythrĂ©e. Pendant le conflit au TigrĂ©, j’ai recensĂ© plusieurs cas dans lesquels des personnes rĂ©fugiĂ©es qui avaient Ă©tĂ© refoulĂ©es d’Éthiopie ont Ă©tĂ© enrĂ´lĂ©es de force et envoyĂ©es au front au TigrĂ©. Le retour des ÉrythrĂ©ennes et ÉrythrĂ©ens n’est pas non plus indiquĂ© en raison de l’insĂ©curitĂ© et de l’instabilitĂ© qui règnent dans la rĂ©gion. Dans ce contexte et vu la situation catastrophique des droits humains dans le pays, les personnes rĂ©fugiĂ©es et requĂ©rantes d’asile d’ÉrythrĂ©e devraient recevoir une protection ainsi qu’un accès Ă  tous les droits humains et aux services nĂ©cessaires dans leur pays de destination. Cela inclut le droit au travail, Ă  l’éducation, Ă  l’accès aux soins de santĂ© et Ă  un niveau de vie suffisant. Â»

Les personnes ayant fui l’ÉrythrĂ©e doivent souvent payer des taxes au gouvernement Ă©rythrĂ©en dans leur pays d’exil. Que recommandez-vous aux États europĂ©ens concernant cette pratique ?

« Les ÉrythrĂ©ennes et les ÉrythrĂ©ens qui se trouvent Ă  l’étranger ont pour obligation de payer une taxe dite “de la diaspora” ou taxe de reconstruction et de rĂ©habilitation, reprĂ©sentant 2 % de leurs revenus totaux, Ă  titre rĂ©trospectif Ă  compter de la date de leur dĂ©part. Si chaque État a le droit de taxer ses citoyennes et ses citoyens, y compris Ă  l’étranger, ce système constitue toutefois par nature une mesure de contrainte qui conduit Ă  l’abus de personnes Ă©rythrĂ©ennes ayant besoin d’une protection. En cas de non-paiement de la taxe, les ÉrythrĂ©ennes et ÉrythrĂ©ens de la diaspora et leurs familles se voient refuser l’accès Ă  l’ensemble des documents, attestations et services de base. Par ailleurs, les personnes Ă©rythrĂ©ennes vivant Ă  l’étranger sont  victimes de chantage Ă  travers la pression exercĂ©e sur leurs familles, Ă  qui on dit par exemple que les autorisations d’exploitation, le règlement des successions ou encore les titres fonciers dĂ©pendent du paiement de la taxe par leur proche Ă  l’étranger. La consĂ©quence en est que les ÉrythrĂ©ennes et ÉrythrĂ©ens de la diaspora et leurs familles en ÉrythrĂ©e se voient directement ou indirectement refuser l’accès Ă  leurs droits humains fondamentaux. Cet accès est conditionnĂ© au paiement de la taxe et Ă  la signature d’une “dĂ©claration de repentir” dans laquelle ces personnes doivent demander pardon Ă  leur pays pour leur trahison. Dans certains cas, l’ordre de paiement de la taxe s’accompagne de menaces et d’intimidations.

J’encourage les États europĂ©ens Ă  enquĂŞter dans le dĂ©tail sur ces pratiques coercitives, y compris sous l’angle de la responsabilitĂ© pĂ©nale qui pourrait rĂ©sulter des mĂ©thodes mises en Ĺ“uvre, et je les invite instamment Ă  protĂ©ger les ÉrythrĂ©ennes et les ÉrythrĂ©ens de la contrainte exercĂ©e par les reprĂ©sentations diplomatiques et les fonctionnaires d’ÉrythrĂ©e. Une première mesure consiste Ă  appeler les États Ă  ne plus imposer aux personnes Ă©rythrĂ©ennes qui pourraient avoir besoin d’une protection internationale de se procurer des documents auprès des ambassades et consulats d’ÉrythrĂ©e. Les ÉrythrĂ©ennes et les ÉrythrĂ©ens ayant droit Ă  une protection ne devraient plus s’adresser aux reprĂ©sentations diplomatiques du pays pour pouvoir obtenir une protection et pleinement faire valoir leurs droits dans leur pays d’accueil. Â»

Vous n’avez pas pu vous rendre dans le pays faute de coopĂ©ration du gouvernement Ă©rythrĂ©en, qui vous a refusĂ© l’accès. D’oĂą viennent les informations de votre rapport ?

« Depuis la crĂ©ation du mandat en 2012, ni mes prĂ©dĂ©cesseurs ni moi-mĂŞme n’avons Ă©tĂ© autorisĂ©s par le gouvernement Ă©rythrĂ©en Ă  entrer dans le pays. C’est très regrettable, car pour accomplir mon travail, il serait Ă©videmment idĂ©al que je puisse jauger la situation sur place, discuter avec les ÉrythrĂ©ennes et les ÉrythrĂ©ens qui vivent actuellement dans le pays et entrer en contact avec les autoritĂ©s et institutions locales. Ă€ cause de ce manque d’accès, j’ai dĂ» recourir Ă  toute une sĂ©rie de mĂ©thodes et de sources pour pouvoir m’acquitter de mon mandat d’observation de la situation des droits humains en ÉrythrĂ©e. Je recueille des informations de première main en parlant avec des victimes et des tĂ©moins de violations de droits humains commises par les autoritĂ©s Ă©rythrĂ©ennes et en Ă©changeant avec des ÉrythrĂ©ennes et ÉrythrĂ©ens ayant fui le pays et membres de la diaspora, ainsi qu’avec d’autres sources confidentielles. Je coopère en plus avec un grand nombre d’actrices et d’acteurs qui m’apportent des informations et un soutien prĂ©cieux pour mon mandat, dont des organisations de la sociĂ©tĂ© civile, des organisations de l’ONU, des membres de la communautĂ© diplomatique, des militantes et militants des droits humains, des universitaires, des scientifiques et d’autres spĂ©cialistes. Je rassemble Ă©galement des documents et du matĂ©riel auprès d’un large Ă©ventail de sources confidentielles et ouvertes. Je vĂ©rifie chaque information et la compare avec plusieurs sources indĂ©pendantes. En plus, j’évalue la fiabilitĂ© des sources une par une et effectue une analyse impartiale des informations recueillies, conformĂ©ment au code de conduite pour les titulaires de mandat au titre des procĂ©dures spĂ©ciales du Conseil des droits de l’homme. Ces mĂ©thodes ont pour but de garantir la qualitĂ© des informations recueillies et reproduites dans le rapport ainsi que l’indĂ©pendance et l’objectivitĂ© du mandat. Â»

Y a-t-il des signes permettant d’espĂ©rer qu’un dialogue puisse bientĂ´t ĂŞtre amorcĂ© entre le gouvernement Ă©rythrĂ©en et les autoritĂ©s de l’ONU ?

« Bien que l’ÉrythrĂ©e soit membre du Conseil des droits de l’homme, la collaboration avec l’ONU et en particulier avec ses mĂ©canismes de droits humains est mauvaise. MĂŞme dans le cadre de l’examen pĂ©riodique universel (EPU), qui constitue pour le gouvernement Ă©rythrĂ©en le mode de collaboration appropriĂ© avec l’État sur les questions de droits humains, l’ÉrythrĂ©e n’a adoptĂ© que la moitiĂ© des recommandations Ă©mises en 2019 et n’a pas mis en Ĺ“uvre la plupart des recommandations adoptĂ©es jusqu’ici. Dans le cadre de mon mandat, j’ai tentĂ© sans relâche d’engager un dialogue constructif avec le gouvernement Ă©rythrĂ©en et envoyĂ© plusieurs lettres et communications officielles. Les autoritĂ©s Ă©rythrĂ©ennes n’ont toutefois pas rĂ©agi Ă  mes demandes de rencontre, de commentaires et d’informations en vue de la rĂ©alisation du rapport, sans parler de l’autorisation de me rendre dans le pays. Je continue d’espĂ©rer qu’elles reverront leur position et se dĂ©clareront prĂŞtes Ă  dialoguer sur la situation des droits humains. La seule chose qui m’intĂ©resse, c’est de contribuer Ă  l’amĂ©lioration des droits humains pour toute la population Ă©rythrĂ©enne. Â»

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