Le 24 mai marque la fête nationale de l’Érythrée et pour la première fois, la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) a mis en garde les villes et les communes concernant de possibles incidents violents entre partisan·e·s et opposant·e·s du régime dans le cadre des « festivals culturels érythréens ». Sous la Coupole, pendant la session d’été, une intervention a été déposée demandant des mesures plus sévères à l’encontre des partisanes et partisans du régime qui commettent des actes de violence. Concrètement, l’adoption de la motion Caroni signifierait qu’une décision de renvoi pourrait être rendue à l’encontre de ces personnes réfugiées. Comme l’a cependant fait observer le Conseil fédéral dans son avis sur cette motion, une telle sanction est déjà prévue dans le droit des étrangers en vigueur.
Les rapatriements sous contrainte vers l’Érythrée sont impossibles
L’OSAR se mobilise pour qu’aucune décision de renvoi ne soit rendue à l’encontre de personnes qui ont fui l’Érythrée. En effet, étant donné que le régime de ce pays de la Corne de l’Afrique n’accepte aucun renvoi forcé depuis plusieurs dizaines d’années, les rapatriements sous contrainte y sont impossibles. Pourtant, les pratiques de renvoi concernant les Érythréennes et les Érythréens ont déjà fait l’objet d’un durcissement. De plus en plus de personnes concernées doivent donc demander l’aide d’urgence et vivre dans une situation particulièrement précaire. L’OSAR estime qu’il faudrait plutôt aller dans la direction inverse, c’est-à -dire améliorer les possibilités de régularisation du séjour pour les personnes durablement empêchées de retourner dans leur pays d’origine.
Les origines d’une diaspora divisée
Les conflits qui ont émaillé la Suisse, notamment au début du mois d’avril à Gerlafingen, dans le canton de Soleure, ou à Opfikon, dans le canton de Zurich, révèlent une profonde division au sein de la diaspora érythréenne en Suisse.
Les Érythréennes et les Érythréens qui célèbrent le régime en place sont généralement des personnes qui ont fui leur pays pendant la guerre d’indépendance contre l’Éthiopie, dans les années 1990, pour se réfugier en Suisse. À l’époque, elles ont obtenu le statut de personne réfugiée ou ont été admises provisoirement en raison des persécutions politiques. Aujourd’hui, nombre d’entre elles sont détentrices d’un passeport helvétique et vivent en Suisse depuis de nombreuses années. Le président de longue date, Isaias Afewerki, a été l’une des principales figures du conflit des années 1990 pour l’indépendance, un combattant pour la liberté faisant face à la répression éthiopienne.
Les personnes qui ont fui l’Érythrée dans les années 1990 n’ont pas assisté aux événements des décennies suivantes, ni à la transformation d’Afewerki en dictateur. Depuis lors, le président de l’Érythrée dirige en effet son pays d’une main de fer : service national de plusieurs années imposé à toute la population, incarcérations avec torture, etc.
Les Érythréennes et Érythréens arrivé·e·s plus tard ont dû fuir leur pays à cause de cette répression et de ces persécutions perpétrées par le régime d’Afewerki. Ces personnes ont donc une autre vision de l’Érythrée et de son président. À leurs yeux, ces prétendus « festivals culturels » constituent une provocation, car c’est précisément à cause de la répression et des persécutions du régime d’Afewerki qu’elles ont fui leur pays, et elles se heurtent aujourd’hui en Suisse à des partisanes et des partisans de ce même régime.