De Barbara Graf Mousa, rédactrice à l'Organisation d'aide aux réfugiés (OSAR)
Les personnes ayant droit à une protection doivent trouver leur place dans notre société et pouvoir participer à la vie économique et sociale de leur nouveau pays. L’OSAR s’engage dans ce sens et le Département formation endosse un rôle déterminant avec ses ateliers de sensibilisation et ses offres de formation continue pour différents groupes cibles.
Beaucoup de valeurs propres au scoutisme comme le respect mutuel, la serviabilité et l’inclusion sociale correspondent aux messages que l’OSAR véhicule notamment dans la formation des jeunes. À travers le projet Pfasyl, des éclaireuses et éclaireurs de Lucerne, Berne et Bâle s'engagent depuis 2016 spécialement en faveur des enfants et adolescent-e-s réfugiés qui n’ont guère la place de jouer et de se défouler dans les centres d’hébergement collectifs pour personnes requérantes d'asile. « L'un des principaux objectifs de Pfasyl est que ces enfants puissent entrer en contact avec des jeunes de leur pays d'accueil qui s'intéressent à eux et leur offrent la possibilité de découvrir notre culture, la langue et la vie de chez nous », écrivent les initiateurs et initiatrices du projet sur le site www.pfasyl.ch. « Les enfants venus d’horizons très différents trouvent dans le groupe une place où ils peuvent pour un temps échapper à leur quotidien de personnes réfugiées. »
Les participant-e-s au Camp fédéral scout 2022 ne s'entraînent pas seulement à monter des tentes et à vivre en plein air. Ils se confrontent aussi à des sujets de société et de politique mondiale tels que le changement climatique ou la diversité des genres. Celles et ceux qu’on appelle les caravelles et les pionniers, c’est-à -dire les jeunes chefs de groupe à partir de quinze ans, constituent le public cible des 22 ateliers de l’OSAR sur le thème « Les personnes réfugiées en Suisse : les personnes derrière les statistiques ».
Ce jour-là à Ulrichen, le thermomètre atteint les 31 degrés. L’horloge indique une heure et demie et il fait encore plus chaud sous la tente de l’atelier. La présentation Power-Point ne veut plus s’afficher à l’écran et l’atelier LGBTQI qui se déroule à côté se heurte aussi à des problèmes électroniques. « Pas grave, estime Anna Friedli, coresponsable de la formation des jeunes à l’OSAR, il faut faire preuve ici de beaucoup de pragmatisme et de souplesse, ça me plaît. Les jeunes préfèrent de toute façon discuter directement avec nos collaborateurs et collaboratrices qui ont personnellement vécu l’exode. »
« Schwyzerstärn », c’est le nom du groupe de scouts engagé-e-s de la ville de Berne qui arrive à l’atelier avec une demi-heure de retard et sept camarades scouts de Californie. Également impliqués dans le projet Pfasyl, les responsables ont déjà invité de jeunes personnes réfugiées à leur camp d’été en 2020. On se met spontanément d’accord pour parler l’anglais, afin que les personnes américaines puissent participer à la discussion.
On commence par former des groupes pour le « jeu des bandes de papier » : chaque groupe représente un pays, chaque bande de papier symbolise 100 000 personnes réfugiées. Les jeunes trient et suspendent les bandes de papier en fonction des mouvements d’exode à l’intérieur et en provenance des pays choisis. Ils découvrent ainsi que les personnes réfugiées sont réparties de façon très inégale entre les divers pays et que très peu d’entre eux arrivent en Europe et en Suisse.
S’ensuivent les témoignages de Désiré Nsanzineza et Hakeem Sayaband, deux collaborateurs de l'OSAR ayant vécu l’exode. Le grand groupe est divisé pour que tout le monde puisse entendre les différents récits d’exode et d’intégration. « Votre exode a duré plus de dix ans ? » ou « Vous avez vraiment tout fait à pied, du Rwanda jusqu’au Cameroun ? », s’étonnent les jeunes en entendant le témoignage du collaborateur rwandais. Ils sont également choqués d’apprendre qu’il a été séparé de sa femme et de ses enfants et qu’il a dû travailler des années comme esclave en Afrique subsaharienne. Une participante lui demande avec délicatesse comment les enfants se portent aujourd'hui et comment lui-même a pu surmonter toutes ces épreuves.
Le journaliste kurde Hakeem Sayaband du nord de l'Irak donne une tournure un peu plus politique à son récit. Les jeunes lui demandent des précisions sur la procédure d'asile et les autorisations de séjour en Suisse. Certains sont au courant des inégalités juridiques entre les personnes réfugiées ukrainiennes et les autres et aimeraient en savoir plus à ce sujet. Une participante rapporte brièvement ses expériences en tant que famille d’accueil. La discussion est vive et engagée, le temps passe malheureusement trop vite. « Les discussions avec Désiré et Hakeem ont été particulièrement intéressantes ; c’était cool de pouvoir leur poser des questions », déclare un scout après l’atelier.
Même si cela requiert un certain talent d’improvisation de la part de l’équipe de formation de l’OSAR, le bilan de cette intervention unique est très positif. « Ce sont des jeunes très engagés qui posent de bonnes questions. On remarque qu’ils ont déjà été sensibilisés à la question de l’exil et de l’asile », observe Hakeem Sayaband qui a lui aussi fait partie d’un groupe de scout dans son enfance dans le nord de l’Irak. « Ça vaut la peine d’intervenir ici, car les jeunes sont à un âge important ; ils côtoient en outre des enfants de personnes réfugiées à l'école et dans leurs loisirs. », renchérit Désiré Nsanzineza.