Le 24 février marque le deuxième anniversaire du début de la guerre en Ukraine. Plus de six millions de personnes ont fui le pays depuis février 2022. Parmi celles-ci, 99 000 environ ont déposé une demande de statut S en Suisse. C’est précisément ce statut de protection qui suscite aujourd’hui des critiques dans le monde politique et les médias, au prétexte que les Roms acquerraient illégalement des papiers en Ukraine et abuseraient du système suisse. Il n’existe pourtant aucun chiffre pour étayer ces affirmations, qui viennent plutôt cimenter la profonde stigmatisation dont les Roms sont victimes en Europe. Un phénomène qui n’a rien de nouveau.
Une discrimination ancrée de longue date
Selon une publication de la Commission on Security and Cooperation in Europe (CSCE), les personnes roms sont discriminées et ostracisées dans toute l’Europe. En Ukraine aussi, les Roms faisaient et continuent de faire face aux mêmes problèmes que dans d’autres pays. United Nations Ukraine estime qu’entre 200 000 et 400 000 Roms vivaient dans le pays avant le début de la guerre. Comme l’agence le montre dans un rapport, leurs droits fondamentaux sont restreints à de multiples égards, en particulier en ce qui concerne l’accès à l’éducation, aux prestations sociales ou aux soins de santé.
La guerre a encore plus défavorisé des minorités déjà marginalisées et vulnérables. Les Roms ayant fui l’Ukraine subissent aujourd’hui stigmatisation et discrimination même pendant leur exil et dans les pays dans lesquels ils et elles recherchent une protection. Comme l’expose le Conseil central des Sintis et des Roms allemand·e·s, les Roms sont victimes de violences verbales et physiques en Ukraine comme en exil. Ces expériences les incitent à se méfier largement des personnes non-Roms et renforcent leur tendance à rester entre communautés roms. En outre, selon le Conseil central, les Roms font souvent l’objet de préjugés dans les centres d’accueil, dans lesquels on les soupçonne par exemple de donner de fausses informations ou où on les accuse d’abuser de l’aide humanitaire.
Prise en compte de toutes les personnes en quĂŞte de protection
Le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) ne collecte pas de données sur l’appartenance ethnique des personnes requérantes d’asile. Il est ainsi impossible d’indiquer combien de personnes en quête de protection font partie de la communauté rom et combien de Roms déposent une demande de statut S. Aucune preuve d’achat de papiers par des Roms pour obtenir le statut S n’a été apportée à ce jour. À l’évidence, les débats actuels sont teintés de préjugés discriminatoires à l’égard des Roms. On ne saurait accepter que la stigmatisation subie par ces personnes se perpétue en Suisse. Le SEM est tenu de vérifier au cas par cas si les conditions du statut S sont satisfaites. En Suisse, tant les ressortissant·e·s ukrainien·ne·s que les personnes qui avaient un droit de séjour au début de la guerre en Ukraine ont droit au statut S, y compris celles ayant une autre nationalité et les apatrides au bénéfice d’une autorisation de séjour. Les Roms qui vivaient en Ukraine et ont fui la guerre ont également droit à une protection en Suisse, indépendamment de leur ethnie ou de leurs connaissances linguistiques.