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«Notre famille s’est agrandie en Suisse»

23 février 2023

Oksana Zaiets, enseignante de musique, a quitté l’Ukraine avec ses deux filles, Yuliia et Anna, en mars 2022. Elles sont logées depuis onze mois par une famille d’accueil. L’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) avait alors assuré la mise en relation.

Interview: Barbara Graf Mousa, rédactrice à l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR)

Oksana Zaiets, 45 ans, travaille Ă  80 % dans une usine de production d’œufs et chante dans un chĹ“ur. Yuliia, 17 ans, est Ă©lève au gymnase Hofwil avec l’option musique et son aĂ®nĂ©e, Anna, 19 ans, poursuit depuis septembre 2022 ses Ă©tudes de japanologie Ă  l’UniversitĂ© de Zurich et enseigne durant son temps libre au Stammtisch japonais de l’ambassade du Japon Ă  Berne. Leur père, Vitaly Zaiets, 49 ans, professeur de musique Ă  l’universitĂ© de Kiev, a dĂ» rester en Ukraine. Dans un entretien avec l’OSAR, la mère et ses deux filles racontent leur exil et leur vie en Suisse. 

Vous êtes en arrivées en Suisse, depuis l’Ukraine, en mars 2022. Un an après, vous sentez-vous capables de parler de vos derniers jours en Ukraine et de votre exil ?

Oksana Zaiets : au début de l’agression russe contre l’Ukraine, nous habitions séparément dans plusieurs villes du pays pour des raisons familiales. Mon mari était à Ternopil pour préparer les obsèques de son frère, décédé le 23 février 2022. Moi, je me trouvais à Tscherkassy, dans la maison de mes beaux-parents, pour garder les poules et les moutons pendant leur absence à Ternopil pour les obsèques. Le plus terrible, c'est que nos filles étaient en plein épicentre du conflit !

OĂą Ă©taient Yuliia et Anna ?

Elles étaient seules dans notre appartement à Kiev. Un ami les a fait sortir de Kiev pour aller dans un village qui, plus tard, a été bombardé par les Russes. Sur le moment, nous pensions que c’était plus sûr. Mais à peine arrivées dans ce village, elles ont dû passer 24 heures dans la cave de l’école à cause des bombardements.

Yuliia et Anna Zaiets confirment : c’était affreux. On entendait sans arrêt les sirènes, les coups de feu partout, le bruit de la guerre. Nous avions très peur et sommes restées 24 heures dans l’abri de l’école.

Oksana Zaiets poursuit son récit :nous avons ensuite réussi à nous retrouver à Tscherkassy. La famille était enfin de nouveau réunie. Mais là non plus, nous n’avons pas pu rester bien longtemps. La guerre nous a vite rattrapé-e-s. Nous ne savions pas ce qui allait se passer.

Comment avez-vous dĂ©cidĂ© ce qu’il fallait faire ?

Oksana Zaiets : nous avons discuté une journée entière, envisagé différentes possibilités, et finalement convenu qu’il fallait que je quitte le pays avec les filles, qu’il fallait fuir la guerre. C’était une décision très difficile pour toute la famille. Au début, nous n’avions pas le courage de faire le premier pas. En tant que professeur d’université, Vitaly n’est pas obligé de servir, mais comme tous les hommes entre 18 et 60 ans, il n’avait et n’a toujours pas le droit de partir. Alors, il s’occupe de nos parents et jusqu’en septembre 2022, il pouvait encore parfois donner des cours à l’Académie de musique de Kiev.

Nous sommes très reconnaissantes de l’aide et de l’amabilité que nous avons trouvées dès notre arrivée en Suisse.

Oksana Zaiets

Comment avez-vous fait pour quitter l’Ukraine ?

Oksana Zaiets : mon père a trouvĂ© de l’essence et un ami nous a conduites en voiture, par beaucoup de dĂ©tours, jusqu’à la frontière slovaque. Le trajet a durĂ© 12 heures et nous avons franchi la frontière Ă  pieds. Une fois en Slovaquie, nous avons pris un bus jusqu’à Bratislava, puis un train direct vers Zurich et enfin un autre pour Berne. 

Comment avez-vous fait pour trouver le Centre fĂ©dĂ©ral pour requĂ©rants d’asile Ă  Berne ?

Yuliia Zaiets : quand nous sommes arrivées sur la place de la gare, un homme avec une veste rouge nous a gentiment expliqué et montré où nous devions aller. Dans le bus, une femme nous a parlé et accompagnées jusqu’au CFA.

Oksana Zaiets : on ne l’oubliera jamais. Nous sommes très reconnaissantes de l’aide et de l’amabilité que nous avons trouvées dès notre arrivée en Suisse. Au centre, nous avons pu nous reposer et manger un repas chaud. C’est le personnel du centre qui nous a proposé d’aller habiter dans une famille. Et le lendemain, nous arrivions déjà chez notre famille d’accueil. Aujourd’hui encore, nous remercions le personnel du centre pour leur bon conseil !

La cohabitation fonctionne et bientôt cela fera un an que vous êtes logées par cette famille d’accueil. Quelle est votre contribution pour que la contribution soit si harmonieuset ?

Oksana Zaiets : depuis le premier jour jusqu’à aujourd’hui, nous avons senti que notre famille d’accueil se faisait du souci pour nous et partageait nos réussites et nos problèmes. Christoph et Renate sont des personnes formidables, qui ont donné le meilleur pour rendre notre intégration en Suisse la plus agréable possible. De notre côté, nous faisons tout ce que nous pouvons pour ne pas les ennuyer. Bien sûr, le fait d’avoir de nombreuses choses en commun aide aussi : nous sommes des personnes créatives, nous aimons la musique et le dessin et chaque famille a deux filles. Tout cela favorise l’harmonie.

Yuliia et Anna Zaiets complètent : tous les mercredis soir, nous partagions un repas cuisiné ensemble. C’était très précieux et cela nous a permis de nous rapprocher dans une belle ambiance.

Qu’est-ce qui vous frappe en Suisse par rapport à l’Ukraine ? Qu'est-ce qui est complètement différent ?

Oksana Zaiets : il y a effectivement beaucoup de différences, à commencer par des choses simples de la vie quotidienne, comme le tri des déchets, la buanderie commune, l’air frais, la qualité de l’eau, jusqu’aux différences musicales, à la formation universitaire et professionnelle. En Suisse, la vie est calme et stable, contrairement à l’Ukraine, où la vie est très turbulente, tout va vite.

Votre papa et mari, professeur de musique, n’a pas eu le droit de quitter Kiev. Comment restez-vous en contact avec lui ?

Yuliia Zaiets : nous nous téléphonons plusieurs fois par jour, quand c’est possible techniquement. En Ukraine, il y a de gros problèmes d’électricité et de communication. Dès qu’une nouvelle attaque massive de missile commence, il nous informe que la communication sera peut-être coupée pendant une longue période et nous demande de ne pas nous inquiéter.

Le 24 février 2023, cela fera un an que la Russie a lancé sa première attaque contre l’Ukraine – qu’est-ce que cela signifie pour vous ?

Oksana Zaites : c’est une triste date pour l’humanité. Pour moi, cela signifie que la première année de guerre est terminée et que de nombreuses épreuves vont encore arriver.

Quels sont vos projets à court terme ? Qu’allez-vous faire ?

Oksana, Yuliia et Anna Zaiets : nous nous sentons tranquilles et en sécurité en Suisse. Nous sommes aussi très reconnaissantes du soutien des autorités. Yuliia et Anna aimeraient terminer leur formation en Suisse. Grâce à mon travail, je peux subvenir à nos besoins courants. Le 1er avril, nous allons déménager dans notre propre appartement, ici dans le quartier, pas très loin de notre famille d’accueil. Renate et Christoph nous ont une fois de plus beaucoup aidées ! Nous voulions rester à proximité de notre famille d’accueil, car nous nous sommes vraiment habituées à elle et à son voisinage. Notre famille s’est agrandie avec Christoph et Renate ! Dès le premier jour, nous nous sommes senti-e-s proches.

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