Il est grand temps d’assurer l’égalité de traitement des réfugié-e-s

08 avril 2022

L’attitude généreuse et pragmatique envers les réfugié-e-s d’Ukraine est bienvenue. Dans le même temps, elle met en évidence l’inégalité des droits d’autres personnes qui fuient la guerre et la violence et a suscité le débat. Un plaidoyer pour l’égalité de traitement de toutes les personnes réfugiées qui ont besoin de notre protection.

Seraina Nufer, coresponsable du département Protection

Du jour au lendemain, la jeune mère et ses deux enfants ont dĂ» fuir les bombes et les missiles qui frappent brutalement la population civile. Ils ont besoin de trois choses :

1. Accès Ă  la protection : ils doivent atteindre une zone sĂ»re oĂą ils peuvent demander la protection.

2. Accueil : un toit au-dessus de la tĂŞte et de quoi manger.

3. Une perspective : bien qu’ils souhaitent retourner dans leur pays d’origine, ce n’est actuellement pas possible. On ne sait pas combien de temps la guerre va durer. Tant qu’ils ne peuvent pas rentrer, ils doivent pouvoir s’installer en Suisse : apprendre la langue, nouer des contacts et, si possible, trouver un emploi. Les enfants doivent pouvoir aller Ă  l’école. Pour qu’ils puissent s’adapter Ă  la vie en Suisse, ils doivent savoir que leur famille est en sĂ©curitĂ© : que leur mari ou leur père puissent venir en Suisse dès qu’ils auront la possibilitĂ© de fuir et qu’ils peuvent rester en contact avec leurs proches qui ont Ă©galement fui et vivent dans diffĂ©rents pays europĂ©ens.

La guerre, c’est la guerre

La jeune mère pourrait venir d’Ukraine, mais aussi de Syrie ou d’Afghanistan. En effet, du point de vue des personnes réfugiées, peu importe que la guerre qu’elles fuient soit une guerre d’agression d’un autre État ou une guerre civile entre deux groupes au sein d’un même État, le danger pour leur vie et leur intégrité corporelle est le même. Les personnes réfugiées ont besoin d’une protection, d’un accueil et d’une perspective tant qu’elles ne peuvent pas rentrer chez elles. Cela s’applique à toutes les personnes qui fuient la guerre, la guerre civile ou une situation de violence générale, qu’elles viennent d’Ukraine, de Syrie, d’Afghanistan, de Somalie ou d’un autre pays.

L’accueil positif des personnes ayant fui l’Ukraine

Après le dĂ©clenchement de la guerre en Ukraine, le Conseil fĂ©dĂ©ral a rĂ©agi de manière rapide et pragmatique. Il a aussitĂ´t annoncĂ© que les personnes ayant fui l’Ukraine seraient accueillies. Les acteurs concernĂ©s se sont mis d’accord sur ce qui devait ĂŞtre fait pour aider les rĂ©fugiĂ©-e-s et ont collaborĂ© de manière constructive depuis le dĂ©but de la guerre. L’entrĂ©e des rĂ©fugiĂ©-e-s a Ă©tĂ© immĂ©diatement autorisĂ©e, mĂŞme sans les documents d’identitĂ© habituellement nĂ©cessaires. Le statut de protection S a non seulement Ă©tĂ© activĂ© rapidement, mais a aussi Ă©tĂ© conçu de manière plus gĂ©nĂ©reuse que ce que prĂ©voyait la loi Ă  l’origine : les Ukrainien-ne-s peuvent voyager sans restriction et travailler immĂ©diatement. Ils peuvent tout de suite faire une demande de regroupement familial. De plus, les Ukrainien-ne-s ont actuellement la possibilitĂ© d’emprunter gratuitement les transports publics et reçoivent des cartes SIM gratuites.

Cette approche pragmatique et gĂ©nĂ©reuse Ă  l’égard des personnes ayant fui l’Ukraine est particulièrement bienvenue. Elle montre ce qu’il est possible de mettre en Ĺ“uvre si la volontĂ© politique est prĂ©sente. En revanche, ces mesures ne devraient-elles pas s’appliquer Ă©galement aux rĂ©fugiĂ©-e-s d’autres rĂ©gions du monde qui fuient la guerre ? L’inĂ©galitĂ© de traitement des rĂ©fugiĂ©-e-s d’origines diffĂ©rentes est particulièrement frappante depuis le dĂ©but de la guerre en Ukraine : comment peut-on justifier que les Afghan-e-s admis-es Ă  titre provisoire (permis F) doivent attendre trois ans et remplir des conditions strictes (indĂ©pendance de l’aide sociale, logement suffisamment grand, connaissances linguistiques des membres de la famille) avant de pouvoir dĂ©poser une demande de regroupement familial ? Pour les Ukrainien-ne-s bĂ©nĂ©ficiant d’un statut de protection S, il n’existe ni dĂ©lai d’attente ni conditions financières pour le regroupement familial. Pourquoi les Syrien-ne-s admis Ă  titre provisoire n’auraient-ils pas besoin de rendre visite Ă  leurs proches en Europe ? Alors que cela a Ă©tĂ© immĂ©diatement reconnu comme allant de soi pour les Ukrainien-ne-s, les personnes admises Ă  titre provisoire ne reçoivent une autorisation de voyage pour rendre visite Ă  leurs proches dans d’autres pays europĂ©ens que si ceux-ci sont gravement malades ou dĂ©jĂ  dĂ©cĂ©dĂ©s.

Droits Ă©gaux

Il est maintenant temps de clarifier qu’une fois arrivĂ©es en Suisse, les personnes rĂ©fugiĂ©es ont non seulement besoin d’un toit au-dessus de la tĂŞte, mais aussi de droits Ă©gaux : regroupement familial rapide et inconditionnel, libertĂ© de voyager dans une Europe aux frontières intĂ©rieures ouvertes, soutien financier suffisant, accès au travail et aux mesures d’intĂ©gration. Cela doit s’appliquer de la mĂŞme manière Ă  toutes les personnes rĂ©fugiĂ©es dès lors que leur besoin de protection est reconnu et tant qu’elles ne peuvent pas retourner dans leur pays d’origine. Il est donc grand temps de remplacer l’admission provisoire par un statut de protection garantissant l’égalitĂ© des droits. En effet, l’expĂ©rience des conflits en Somalie, en Afghanistan et en Syrie montre que les personnes admises Ă  titre provisoire restent souvent longtemps en Suisse. L’intĂ©gration des personnes admises Ă  titre provisoire est donc explicitement encouragĂ©e.

Les limitations du regroupement familial ou de liberté de voyage pour les personnes admises à titre provisoire ne sont pas justifiées. La gestion judicieuse et simple des personnes réfugiées d’Ukraine le montre plus clairement que jamais. Il n’est pas non plus évident de comprendre pourquoi les personnes réfugiées admises à titre provisoire et celles bénéficiant d’un statut de protection S devraient recevoir moins d’aide sociale que les réfugié-e-s reconnu-e-s, qui reçoivent l’aide sociale selon les normes CSIAS, comme les citoyen-ne-s suisses. La complexité de la différenciation de l’étendue des droits accordés en fonction de l’autorisation ne peut être justifiée au vu du besoin de protection comparable et de la durée réelle du séjour en Suisse. Il est grand temps que toutes les personnes réfugiées, qui ont besoin de la protection de la Suisse, soient traitées sur un pied d’égalité.

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