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Dublin ou droits humains?

26 septembre 2019

Il ne doit plus y avoir de requĂ©rants d’asile dont aucun pays ne s’estime responsable. C’était l’une des idĂ©es de base des accords de Dublin. L’histoire d’un Afghan, loin d’ĂȘtre un cas isolĂ©, montre toutefois que la mise en Ɠuvre entre souvent en contradiction avec une pratique humanitaire conforme aux droits humains en matiĂšre d’asile.

Par Barbara Graf Mousa, rĂ©dactrice Ă  l’OSAR

En tant qu’aumĂŽnier pour les requĂ©rants d’asile du centre de dĂ©part de la Gouglera situĂ© prĂšs de Giffers dans le canton de Fribourg, Thomas Staubli en apprend beaucoup sur les destins des requĂ©rants d’asile dĂ©boutĂ©s. Ce thĂ©ologien engagĂ© consulte souvent le service juridique de l’Organisation suisse d’aide aux rĂ©fugiĂ©s (OSAR), afin d’aider concrĂštement des personnes qui cherchent dĂ©sespĂ©rĂ©ment une protection, comme dans le cas d’un Afghan de 37 ans. Cet homme devait ĂȘtre renvoyĂ© de Suisse en Allemagne oĂč il risquait d’ĂȘtre expulsĂ© en Afghanistan.

Thomas Staubli rend compte de la situation:

«Telawat Telwazei, qui a expressĂ©ment souhaitĂ© ĂȘtre citĂ© nommĂ©ment, a vĂ©cu des atrocitĂ©s. Les images sanglantes le poursuivent quotidiennement, surtout quand il est seul. Son pĂšre, un des chefs des services secrets, et son frĂšre, un soldat de commando, ont Ă©tĂ© brutalement assassinĂ©s par les Talibans en Afghanistan. Il m’a montrĂ© les photos de leurs corps; elles sont terrifiantes. Sa mĂšre Ă©tait instructrice de police. Comme son pĂšre et son frĂšre assassinĂ©s, il a lui-mĂȘme combattu aux cĂŽtĂ©s des AmĂ©ricains. Leur retrait l’a mis en grand danger; il ne lui restait plus d’autre option que la fuite. Il a dĂ» laisser sa femme chez ses beaux-parents Ă  Sermat en Afghanistan.
ArrivĂ© en Allemagne le 21 octobre 2015, il y a dĂ©posĂ© une demande d’asile. Il a vĂ©cu trois ans et demi dans la rĂ©gion de Dresde et Bautzen. Durant cette pĂ©riode, il s’est senti bien et acceptĂ© dans la sociĂ©tĂ© allemande et a acquis un trĂšs bon niveau d’allemand. Il a travaillĂ© dans un Ă©tablissement de soins, dans l‘industrie du plastique, dans une brasserie et dans un cinĂ©ma. Les Allemands lui sont apparus comme des gens trĂšs sympathiques. Mais sa demande a Ă©tĂ© rejetĂ©e, parce que l’Allemagne juge l’Afghanistan suffisamment sĂ»r et en expulse Ă  nouveau les ressortissant-e-s», explique l’aumonier.

Retour vers la mort

«Pour Telawat Telwazei, le renvoi en Afghanistan signe son arrĂȘt de mort. MĂȘme ses plus proches parents du cĂŽtĂ© paternel travaillent pour les Talibans. C’est pourquoi il a de nouveau fui en Suisse. Selon la maniĂšre dont la Suisse Ă©value la situation des droits humains, il devrait Ă  vrai dire obtenir le statut de rĂ©fugiĂ© reconnu, comme beaucoup d’autres Afghans, ou au moins l’admission provisoire. Mais ce qui est choquant, c’est que notre pays accorde plus de poids au rĂšglement Dublin. L’Allemagne est un État Dublin dotĂ© d’une infrastructure semblable Ă  la Suisse. Telawat Telwazei aimerait savoir ce qu’il se passerait s’il y retournait et revenait tout de suite aprĂšs en Suisse.»

Le service juridique de l’OSAR conseille beaucoup de cas Dublin

«Nous recevons beaucoup de demandes relatives au rĂšglement Dublin», dĂ©clare Adriana Romer, juriste Ă  l’OSAR. Dans le cas d’un retour en Suisse, une nouvelle procĂ©dure Dublin serait trĂšs vraisemblablement engagĂ©e. Si la personne concernĂ©e risque effectivement d’ĂȘtre expulsĂ©e dans son pays d’origine oĂč elle doit s’attendre Ă  des persĂ©cutions, la Suisse devrait entrer en matiĂšre sur sa demande d’asile Ă  cause de ses engagements en matiĂšre de droits humains et la traiter en Suisse. Les refoulements dits en chaĂźne sont interdits. Mais il est extrĂȘmement compliquĂ© de rendre crĂ©dible le fait que le refoulement en chaĂźne implique un danger bien rĂ©el.Il y a longtemps que l’OSAR critique l’application trĂšs restrictive du rĂšglement Dublin. «Nous voyons souvent des cas dans lesquels le rĂšglement Dublin implique une atteinte trĂšs grave Ă  la vie de la personne concernĂ©e, souligne Adriana Romer, par exemple quand des familles sont sĂ©parĂ©es ou quand des personnes sont livrĂ©es Ă  des États qui imposent des conditions d’accueil inacceptables, comme la Bulgarie par exemple. L’idĂ©e de base de Dublin est que les conditions sont les mĂȘmes dans tous les pays impliquĂ©s. Or, ce n’est pas la rĂ©alitĂ©.» L’OSAR demande que la Suisse utilise davantage la marge de manƓuvre humanitaire Ă  l’intĂ©rieur du rĂšglement Dublin. 

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