La guerre en Ukraine pousse de plus en plus de personnes à fuir ; selon le HCR, elles sont désormais près de 3.5 millions. Dans la crise actuelle, la Suisse s’est rapidement montrée solidaire avec les États européens et a activé pour la première fois le statut de protection S afin d’accueillir rapidement et simplement les réfugié-e-s d’Ukraine. Celui-ci a été ancré dans la loi en 1998 en réponse aux flux migratoires des Balkans, ceci afin de pouvoir accueillir rapidement et provisoirement un certain groupe de personnes à protéger menacées par la guerre sans pour autant surcharger le système d’asile. Les réfugié-e-s ukrainien-e-s bénéficiant d’un statut de protection S ont immédiatement accès au marché du travail, jouissent d’une liberté de voyage illimitée et les membres de leur famille peuvent également entrer en Suisse. Elles et ils ont droit à un hébergement, à des soins médicaux, à une aide sociale et leurs enfants peuvent être immédiatement scolarisés. Le séjour est limité à un an, peut être prolongé et, après cinq ans, il est possible de faire valoir le droit à l’autorisation de séjour B.
Préjudice pour les personnes admises à titre provisoire
En revanche, les réfugié-e-s bénéficiant d’un statut F peuvent déposer une demande de permis B pour cas de rigueur au plus tôt après cinq ans et doivent pour cela être indépendant-e-s de l’aide sociale pendant plusieurs années. Leurs possibilités de voyage sont fortement limitées. Par exemple, un visa de retour pour visiter des parents n’est accordé que si les parents sont gravement malades ou en cas de décès. Un délai d’attente de trois ans s’applique au regroupement familial. Celui-ci n’est toutefois autorisé qu’en cas d’indépendance économique, de logement suffisamment spacieux et de connaissance suffisante d’une langue nationale. En réalité, ces critères sont très difficiles à satisfaire et les familles sont souvent séparées pendant des années.
Lors de sa prise de position dans le cadre de la consultation sur l’application du statut S pour les réfugié-e-s ukrainien-ne-s, l’OSAR a salué son introduction rapide. Certaines de ses recommandations, par exemple l’accès au marché du travail sans délai d’attente et la liberté de voyager sans restriction, ont été mises en œuvre par la suite. Toutefois, la liberté de voyage devrait également s’appliquer aux personnes admises à titre provisoire ; pour elles aussi, il est inacceptable de ne pas pouvoir rendre visite à leurs proches dans l’espace Schengen. L’OSAR s’engage en principe en faveur des mêmes droits pour l’ensemble des bénéficiaires d’une protection, par exemple les réfugié-e-s d’Afghanistan, de Syrie, d’Érythrée, de Somalie et du Sri Lanka. Bon nombre d’entre elles et d’entre eux sont admis-es provisoirement en Suisse.
Absence de perspective Ă long terme
Tout comme l’admission provisoire est liée à de nombreuses restrictions, le statut de protection S présente également des inconvénients. Alors que les étrangères et les étrangers admis à titre provisoire constituent désormais un groupe cible explicite de l’encouragement à l’intégration, le statut de protection S est considéré comme un « statut orienté sur le retour ». Cela a pour conséquence que, conformément à la loi, la Confédération ne verse pas de forfait d’intégration aux cantons pour les réfugié-e-s correspondants. L’OSAR estime que cela pose problème et a donc demandé, dans le cadre de la consultation, le financement de mesures d’intégration. Il faut en effet s’attendre à ce que les ressortissant-e-s ukrainien-ne-s en quête de protection restent en Suisse à plus long terme. Des discussions sont en cours pour savoir si des mesures d’intégration sont prévues et dans quelle mesure. De plus, le montant de l’aide sociale prévu pour les personnes ayant un statut S comme pour les personnes admises à titre provisoire est inférieur à celui des citoyen-ne-s suisses et des réfugié-e-s reconnu-e-s – jusqu’à 40% inférieur selon les cantons. Depuis de nombreuses années, ce fait a des conséquences négatives pour la majorité des réfugié-e-s bénéficiaires du statut F/étrangers. Comme le montre l’évolution économique de bon nombre d’étrangères et d’étrangers admis à titre provisoire, il existe un grand risque de devenir un-e working poor et de s’appauvrir.