Le projet de loi découle de l'initiative parlementaire du conseiller national UDC Gregor Rutz, qui propose de permettre aux autorités suisses d’accéder systématiquement aux smartphones, tablettes, ordinateurs portables ou autres supports de données des personnes requérantes d'asile dans le but d’établir leur identité et leur nationalité. L’OSAR a déjà vivement critiqué ce procédé dans sa réponse à la consultation : du point de vue de l’État de droit et de la protection des données, il est extrêmement contestable.
La consultation systématique des supports de données mobiles des personnes requérantes d'asile représente une atteinte grave de leurs droits fondamentaux. Il manque une base juridique suffisante pour cela. En effet, le projet adopté par la CIP-N propose de régler les aspects centraux par ordonnances uniquement. Il s'agit, par exemple, du tri des données pertinentes pour l’établissement de l'identité et la définition des données à collecter.
Les données de tiers elles aussi susceptibles d’être consultées
L’OSAR est d’avis que l’atteinte à la vie privée est disproportionnée. Les personnes requérantes d'asile peuvent déjà soumettre sur une base volontaire les données de leurs téléphones portables et de leurs ordinateurs à des fins de preuves, telles des photographies documentant leur exil ou leurs correspondances. En outre, le Secrétariat d'État aux migrations (SEM) procède déjà à l’évaluation de données facilement accessibles, telles que les profils publics de réseaux sociaux. Ces données sont tout à fait suffisantes et n'affectent en rien le droit à la vie privée.
Le projet de loi prévoit désormais la possibilité d'évaluer également les données personnelles de tiers « si le traitement des données personnelles du requérant d'asile n'est pas suffisant ». Du point de vue de l’OSAR, la consultation des données personnelles de tiers sans leur consentement est disproportionnée. Il n'est pas non plus clairement défini comment il sera garanti dans la pratique que, une fois que des données concernant des tiers seront trouvées lors de la consultation des supports de données, celles-ci ne seront analysées que si cela apparaît nécessaire.
Moins de droits que les personnes soupçonnées de crimes
En outre, en matière d'évaluation des données des téléphones portables, le projet de loi va bien au-delà de la réglementation restrictive prévue en droit pénal. Or, la procédure d'asile ne concerne pas des criminels potentiels, mais des personnes en quête de protection. Il est d'autant plus choquant que les personnes requérantes d'asile soient traitées plus durement que des criminels potentiels. Il importe de prévoir un contrôle judiciaire de l'évaluation des supports de données électroniques.
L’OSAR se montre également très critique à l'égard de l'évaluation des coûts et des bénéfices proposée par la CIP-N. L'expérience menée à l'étranger a montré que la consultation systématique des supports de données électroniques était très coûteuse et les avantages relativement faibles. En Allemagne, en particulier, il a été constaté que moins de la moitié des données consultées étaient utilisables et que dans un à deux pour cent des cas seulement elles profitaient de manière significative à la procédure. Il apparaît dès lors évident, aux yeux de l’OSAR, que l'expérience acquise à l'étranger ne justifie en rien l’optimisme affiché par la CIP-N. Il s’agit au contraire de la considérer comme un avertissement face aux risques que comporte l'introduction de mesures d'une telle portée.
News