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Droit à la formation pour les personnes déboutées

15 décembre 2020

Une motion parlementaire veut permettre aux requérants d’asile déboutés de terminer la formation qu’ils ont entamée avant de retourner dans leur pays d’origine. Le Conseil national se prononcera sur cette question le 16 décembre lors de la session parlementaire d’hiver. L’OSAR soutient la motion.

Ils s’appellent Tesfaldet, Fouad, Samuel ou encore Geremedin. Ils sont jeunes, motivés à s’intégrer, vivent en Suisse depuis des années et ont décroché une place d’apprentissage. Mais, du jour au lendemain, ils sont frappés d’une décision de renvoi et perdent leur droit à la formation et au travail. Selon les estimations des écoles professionnelles rapportées par la RTS, il y aurait chaque année entre 300 et 400 interruptions de contrats de ce genre en Suisse. Il s’agit souvent de personnes dont le dossier d’asile n’a pas été traité durant des années, en raison de la lenteur de l'ancienne procédure, et pour lesquelles la réadmission dans le pays d'origine n'est pas applicable en raison d'obstacles s’opposant à son exécution. Elles resteront donc durablement en Suisse.

Face Ă  cette situation et suite Ă  la pĂ©tition « Un apprentissage – un avenir Â» dĂ©posĂ©e le 26 novembre 2019 devant la Chancellerie fĂ©dĂ©rale et soutenue par l’Organisation suisse d’aide aux rĂ©fugiĂ©s (OSAR), la Commission des institutions politiques du Conseil national (CIP-CN) a dĂ©posĂ© le 13 aoĂ»t 2020 une motion auprès du Conseil national. Elle demande au Conseil fĂ©dĂ©ral de modifier les bases lĂ©gales en vigueur et la pratique actuelle de sorte que les requĂ©rants d'asile dĂ©boutĂ©s en cours de formation puissent se voir accorder une prolongation du dĂ©lai de dĂ©part afin de poursuivre et de terminer leur formation avant de retourner dans leur pays d’origine.

Rejet du Conseil fédéral

Le Conseil fédéral, qui a rejeté la motion le 28 octobre 2020, ne voit pas la nécessité d'agir, car moins de jeunes requérants d'asile commenceront un apprentissage à l'avenir en raison de la procédure accélérée en vigueur depuis le 1er mars 2019. En outre, les périodes de départ peuvent être actuellement prolongées jusqu'à un maximum de six mois afin de terminer les apprentissages.

L’OSAR recommande d’accepter la motion. Une prolongation gĂ©nĂ©rale du dĂ©lai de dĂ©part visant Ă  terminer une formation professionnelle de base commencĂ©e en Suisse est souhaitable ; c’est en effet les autoritĂ©s suisses qui ont provoquĂ© de telles situations, en raison de la lenteur de l'ancienne procĂ©dure.

 ConformĂ©ment Ă  la Convention des Nations unies relatives aux droits de l’enfant (CDE, art. 28) ratifiĂ©e par la Suisse en 1997, elle relève que les États devraient permettre aux enfants et aux jeunes, quel que soit leur statut de rĂ©sidence, d'accĂ©der Ă  l'Ă©ducation et Ă  la formation. Elle souligne par ailleurs une inĂ©galitĂ© de traitement dans la mesure oĂą les enfants des familles contraintes de quitter le pays ont le droit de suivre l’école obligatoire sur la base de la CDE et de l’art. 19 de la Constitution, tandis que les jeunes adultes en formation professionnelle sont obligĂ©s d’abandonner leur apprentissage Ă  la suite d’une dĂ©cision d’asile nĂ©gative. L’OSAR soutient donc la dernière recommandation de la Commission fĂ©dĂ©rale des migrations (CFM), selon laquelle les personnes qui reçoivent une dĂ©cision d’asile nĂ©gative doivent pouvoir terminer la formation ou l’apprentissage qu’elles ont entrepris au moment oĂą tombe la dĂ©cision.

Une perte pour les PME et des coûts pour les cantons

Cette situation est aussi un fardeau pour les PME et les employeurs, qui ont investis dans les personnes requérantes d’asile. Ils doivent soudainement se passer d’une main d’œuvre qualifiée et motivée, et en subir les pertes financières. En outre, dans les faits, la plupart de ces jeunes ne peuvent pas être renvoyés dans leur pays d’origine et se retrouvent pour une longue durée à l’aide d’urgence, sans perspectives d’avenir. Les cantons doivent alors prendre en charge les coûts supplémentaires de l’aide d’urgence à long terme. Dans ces circonstances, il est incompréhensible pour l’OSAR que des apprentissages déjà commencés ne puissent être achevés avant l'exécution du renvoi.

Un investissement pour l'avenir

Dans tous les cas, suivre une formation ou un apprentissage constitue un investissement pour l'avenir de la personne concernée. Les connaissances et les compétences acquises peuvent être très utiles lors du retour dans le pays d'origine ou lors de la poursuite du voyage vers un pays tiers. C’est pourquoi, il convient de les considérer comme une forme d'aide au retour.

Par ailleurs, la plupart de ces jeunes ne peuvent retourner dans leur pays en raison d'obstacles empĂŞchant leur renvoi (par exemple une situation sĂ©curitaire incertaine). S’ils pouvaient donc terminer leur apprentissage et que leur situation Ă©tait rĂ©gularisĂ©e, ils pourraient quitter le système d’aide d’urgence. La Suisse en profiterait aussi. Il est important pour l’OSAR que les rĂ©gimes cantonaux d'aide d'urgence soient conçus de manière humaine.

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